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11/01/2009

Bulletin International de Développement Local Durable
Bulletin d’information #63
1 Novembre 2009

Sommaire

Message de l’équipe éditoriale

Reclaim the fields
Une initiative de la jeunesse paysanne européenne

Changer d’indicateurs
Un débat de société sur le développement que nous voulons

Inner City Development Cooperative (Manille, Philippines)
Une catastrophe


Message de l’équipe éditoriale


Dans ce numéro, nous vous présentons deux articles rédigés respectivement par Judith et Martine à la lumière de leur participation respective à deux rencontres récentes en Europe. Les deux rencontres, à partir de thématiques très différentes, abordent de front des approches alternatives au développement tel que nous le connaissons.

Pour leur part, des jeunes paysans établissent des approches et des stratégies pour une agriculture de proximité, respectueuse de l’environnement et ancrée dans les communautés locales. D’autre part, nous savons tous que l’indicateur économique dominant est le calcul du Produit Intérieur Brut (PIB). Or, cet indicateur est totalement inadéquat pour mesurer le bien-être humain, voire la «vraie» richesse des sociétés. À titre d’exemple, mentionnons que la récupération et le recyclage des déchets ajoutent plus au PIB qu’une réutilisation des biens qui sont planifiés pour durer plus longtemps. La pièce de théâtre, «le paradoxe de l’Erika» met en scène comment ce désastre écologique est transformé en indicateur de croissance du PIB de la France!! Nous pourrions énumérer de nombreux autres exemples. Ainsi, il est très important que d’autres indicateurs soient mis en place.

Enfin, nous désirons vous faire part de la catastrophe qui a frappé le quartier de Tatalon à Manille. Nous avions décrit dans le Bulletin #44 le travail inspirant de la Inner City Development Cooperative. Maintenant, tout est à reconstruire.

Nous voulons témoigner notre solidarité avec les membres de cette communauté.


Équipe éditoriale
Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut

Reclaim the fields
Une initiative de la jeunesse paysanne européenne


Reclaim the Fields était une rencontre d’environ 300 jeunes agriculteurs-paysans et jeunes sans-terres ayant des projets de différentes sortes, venus de différents pays d’Europe. Le concept «Reclaim the fields» pourrait se traduire en français par : « Réapproprions-nous les terres agricoles !». Le campement s’est tenu sur une ferme collective, Cravirola, près de Minerve dans le Sud-ouest de la France, du 30 septembre au 4 octobre. Il a été organisé par un mouvement de jeunes très proches de Via Campesina, créé à Rostock, lors de la rencontre anti-G8 en 2007.

Le campement a été largement autogéré (camping, cuisine collective, ateliers et sessions plénières…). Le but était de traiter des diverses questions qui sont devenues de plus en plus critiques dans le cadre des crises multiples actuelles (financière, économique, changement climatique, sociale, et particulièrement alimentaire…). Les participants étaient soit des paysans ayant déjà démarré un projet, ou qui en avaient l’intention. Les questions clés discutées étaient celles de l’accès à la terre et aux semences. Un accent particulier était mis sur le droit traditionnel des paysans de conserver, échanger et ressemer leurs semences.

Certaines des discussions visaient aussi la question du prix juste des produits ainsi que les circuits directs de la ferme aux consommateurs, la reconnaissance sociale des paysans, l’opposition au modèle industriel dominant et le besoin d’une réforme pour avoir une politique agraire et agriculturale juste. D’autres ateliers traitaient des idées pour développer la capacitation et les formations populaires plus adaptées au modèle paysan, et sur les leviers qui permettraient à ceux qui veulent travailler la terre de le faire. Mais la question de loin la plus récurrente «était celle de l’accès à la terre. La situation est différente d’un pays à l’autre, avec une loi et des prix qui varient d’un pays et d’une région à l’autre.

L’importance des communautés locales et le développement local durable
Une des questions centrales et récurrentes était la recherche de la meilleure façon d’articuler et d’organiser les choses sur le plan local. L’agriculture paysanne est probablement l’un des moyens les plus efficaces de combattre le changement climatique, améliorer la santé et maintenir ne économie locale durable. Certaines des discussions les plus intéressantes concernaient les moyens de réussir à se faire accepter au sein des communautés rurales. Ceci concerne non seulement les nouveaux arrivants, mais aussi le cas des transmissions d’une ferme au sein d’une même famille, particulièrement si la transmission se fait de père en fille, ou si la nouvelle génération souhaite changer la manière de gérer la ferme (un changement vers l’agriculture bio, ou bien de l’élevage de bétail vers le maraîchage, par exemple).

Réussir à se faire accepter implique forcément un effort des deux côtés. Il faut toujours faire ses preuves auprès de la communauté, en tant que nouvel arrivant que l’on apporte non pas des menaces, mais du positif. Devenir un membre accepté à part entière au sein d’une communauté rurale est donc un des leviers du succès. Et savoir se faire accepter est d’une très grande importance. Peu importe s’il s’agit d’arrivants “néo-ruraux”, ou bien de personnes natives des lieus, mais de savoir si elles sont perçues comme “différentes” ou “marginales”. La question de la conversion à l’agriculture bio évoque les mêmes questions, mais se trouve actuellement au coeur d’une promotion grand public, souvent plus favorablement accueillie.

L’Accès à la terre
L’idée d’apprendre à travailler au sein des communautés locales et d’obtenir un soutien des autorités locales et de faire en sorte que des terres soient réservées à l’agriculture paysanne et le maraîchage a souvent été mentionnée. Ceci doit aussi tenir compte de la notion de la propriété et des projets collectifs, aussi bien que la notion plus traditionnelle de la propriété individuelle. L’idée pour l’avenir était aussi de développer une communauté en-ligne pour informer et échanger sur les terres disponibles qui pourraient convenir aux projets des uns et des autres. Des structures telles que Terre de Liens et la Nef en France, sont d’une aide précieuse, mais insuffisante. Trop de terres restent inoccupées et en friche. Même si l’idée première est de trouver un accès par des moyens paisibles et légaux, il faudra une réforme agraire profonde pour trouver des solutions plus équitables. Le Mouvement des Sans Terre au Brésil, ainsi que la pratique d’occupation des terres inutilisées est aussi très efficace…Chaque pays a sa législation propre qui peut, soit faciliter, soit constituer un obstacle majeur. L’accès à la terre est très fortement contrôlé en France, et ceci constitue souvent une difficulté.

La vente et les circuits directs des produits
Tous les réseaux et les solutions existantes comme l’Agriculture Soutenue par les Communautés (ASC) et les AMAPs (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) font partie des réponses. Le maintien des marchés locaux qui permettent aux paysans de vendre leurs produits directement, les ventes à la ferme, lier la vente à l’agrotourisme, et d’autres initiatives encore, doivent être soutenues. Il existe aussi bon nombre d’initiatives atypiques qui ne rentrent pas dans des moules tout faits, et qui ont besoin d’être considérées. Le basculement vers l’inclusion des petits producteurs ‘bio’ en France dans les appels d’offres des autorités locales pour la nourriture des cantines scolaires en France est une chose positive. Mais tout ceci requiert du lobbying et de la communication avec les structures locales.

La dimension urbaine est une chose à ne pas négliger, en termes de maraîchage périurbain ou urbain (lotissements) mais aussi dans la mesure où il faut développer des liens avec les mouvements sociaux urbains pour améliorer les conditions de vie et l’accès à une nourriture saine et de prix abordable.

Le campement s’est terminé avec une manifestation paisible devant les locaux régionaux de la SAFER (Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural) une structure étatique qui joue un rôle puissant dans la vente et l’acquisition des terres. Ceci a clairement démontré la volonté des jeunes, nombreux dans leur détermination, d’acquérir des terres, de construire un mouvement européen de jeunes paysans.

Auteur : Judith Hitchman
Article original en français et en anglais

http://reclaimthefields.org/
http://reclaimthefields.org/content/action-à-la-safer
http://www.terredeliens.org

Changer d’indicateurs
Un débat de société sur le développement que nous voulons
.

Nos indicateurs nous rendent aveugles ! La crise que nous traversons va bien au-delà d’une crise financière et économique. Aujourd’hui, l’indicateur principal de mesure de la richesse reste le produit intérieur brut et son évolution, à savoir, la croissance économique. Or, cet indicateur ne prend en compte que les échanges monétaires, laissant de côté les éléments qui n’ont pas de « prix » alors qu’ils sont bien souvent inestimables… Des chercheurs s’interrogent sur des mesures alternatives du bien-être. Tandis que la croissance du PIB a servi de référence au progrès depuis la 2ème guerre mondiale, il est devenu plus que jamais nécessaire de repenser le progrès en termes de bien-être de tous, sans exclusion, y compris les générations futures et donc de réduction des écarts, de partage des ressources, de cohésion sociale et de développement durable ….
Dans l’ensemble des initiatives et des travaux récemment consacrés à ce sujet, le rapport de la Commission Stiglitz a ouvert une brèche.

Deux rencontres récentes ont placé leur focus sur des indicateurs territoriaux de bien-être.

Les Territoires de Coresponsabilité ont organisé leur Première rencontre internationale, le 25
 septembre 2009, dans la ville de Mulhouse, pionnière dans ce processus.
Dans sa stratégie de cohésion sociale, le Conseil de l'Europe définit cette dernière comme étant « la capacité de la société à assurer le bien-être de tous par la coresponsabilité de ses différentes parties prenantes (acteurs publics, privés, citoyens). Un lien est établi avec le développement durable en y incluant le bien-être des générations futures, faisant du bien-être de toutes les générations un objectif de progrès sociétal ». Sous son impulsion, plusieurs territoires ont commencé à mettre en œuvre cette nouvelle approche en partant de cette définition et d’une méthode où les citoyens sont invités à repenser l’organisation de la société dans laquelle ils vivent, à partir des besoins réels identifiés de façon concertée.
La première application de la méthode a été conduite dans la Ville de Mulhouse, à partir de 2005 en France, avec l’appui de Samuel Thirion (de la division pour le développement de la cohésion sociale). C'est celle qui a permis de mettre au point les premières bases. Elle reste aujourd'hui la plus avancée dans son développement. Dans la suite, des applications ont été conduites également dans le Département de Timisoara en Roumanie, la Province Autonome de Trento en Italie et à Paris en Région Ile-de-France. Elles ont donné lieu à la mise en place du concept de Territoires de coresponsabilité.
La méthode est actuellement reprise dans le cadre du Programme National de Lutte contre la Pauvreté en Milieu Rural (PLPR) au Cap Vert, co-financé par le FIDA, permettant de l'inscrire dans un cadre institutionnel qui fait le lien entre le niveau communautaire, le niveau régional et le niveau national. Un lien entre l'approche locale et les politiques régionales est également en voie de se concrétiser en Région Wallonne (Belgique).Actuellement d'autres territoires, régions et/ou pays envisagent de l'utiliser ou de s'en inspirer, notamment en Bretagne (France) avec l'appui de l'ONG PEKEA et au Gabon.
La mise en place de cette stratégie suppose : l'élaboration d'indicateurs pour définir et mesurer le bien-être de tous; notamment avec les citoyens; le partage concerté des responsabilités pour assurer un progrès vers le bien-être de tous, y compris celui des générations futures ; le suivi-évaluation du progrès sociétal ainsi réalisé.

Des informations sur le site http://spiral.cws.coe.int

Le programme ISBET (Indicateurs sociétaux de Bien Etre Territorialisés), présentait ses premiers résultats le 5 octobre à Rennes (France) : « Comment compter ce qui compte sur un territoire ? », organisés par PEKEA et le Club des Gouvernements locaux.
Pekea est est l’acronyme d’un terme anglais qui a pour objet de qualifier le projet de construire un savoir politique et éthique sur les activités économiques. Plus de 900 personnes en sont membres. Elle est reconnue par l’ONU, en tant qu’ONG consultative auprès du Conseil Economique et Social. Ses membres sont issus du monde de la recherche et de l’université, d’associations, surtout ONG, qui mènent des actions alternatives sur le terrain et de citoyens concernés. Une cinquantaine de pays ont des participants. L’organisation en réseau et la forte utilisation d’Internet donnent une dimension internationale à l’organisation dont le siège mondial est à Rennes. Les textes en ligne sont publiés en trois langues, le français, l’anglais et l’espagnol.
Pourquoi un club de gouvernements locaux ? À l’initiative de Rennes Métropole, l’idée de club a été discutée et travaillée entre élus de quelques collectivités locales. Formellement, 3 Gouvernements locaux ont initié la création du club en 2006 : Rennes Métropole, Département d’Ille et Vilaine, Région Bretagne, rejointes en 2007 par la Région Nord Pas de Calais. Le CGL est présidé par Alain Yvergniaux, Conseil régional de Bretagne.

La question essentielle des gouvernements locaux, leur ambition première est d’améliorer le bien-être des membres de la communauté dont ils ont la responsabilité. C'est-à-dire de prendre un certain nombre de décisions et de mesures aptes à améliorer ce bien-être, c'est-à-dire encore à faire croître la valeur sociétale globale. On voit à l’évidence la convergence entre le projet de PEKEA qui veut donner un contenu au concept de « valeur sociétale » et cette volonté des gouvernements locaux d’avoir une indication sur le niveau de bien-être de la communauté locale dont ils ont la charge ; y parvenir permettra d’éclairer la prise de toute mesure appropriée qui puisse accroître ce niveau de bien être sociétal.

Le projet ISBET (Indicateurs Sociétaux de Bien Etre Territorialisés), financé par la Région Bretagne, inscrit dans le programme PEKEA, se situe dans cette perspective. D’un point de vue analytique, ce projet s’articule autour de trois axes :
1. Le calcul d’un IDH Régional et de déclinaisons territorialisées (IDH2, IDH3, IDH4…) ;
2. La construction d’indicateurs territorialisés avec la participation et l’implication des citoyens et des parties prenantes sur deux territoires bretons.
3. Une réflexion théorique sur les procédures de construction participative d’indicateurs.
La démarche de construction collective d’indicateurs de bien-être (l’axe 2 du projet) s’inspire de celle du Conseil de l’Europe. L’objectif de cette démarche est ainsi de rendre visible ce qui compte vraiment pour les citoyens dans le but d’être force de proposition dans l’élaboration des politiques publiques actives en matière de cohésion sociale territoriale, de développement durable… La participation des citoyens, des associations, des acteurs économiques… à la construction d’une définition partagée du bien-être de tous et pour tous apparaît comme un préalable essentiel pour révéler ce qui compte vraiment pour eux.
Cette démarche est actuellement expérimentée sur deux territoires de communautés de communes sous attraction urbaine de Rennes : Val d’Ille et Pipriac dans le département d’Ille et Vilaine.

Contacts : PEKEA, Michel Renault, coordinateur du projet ISBET et avec les informations transmises par Claire Cartieaux
http://www.pekea.org

Martine Theveniaut (qui a participé à ces deux réunions).

Inner City Development Cooperative (Manille, Philippines)
Une catastrophe


Dans le Bulletin #44, publié le 1er décembre 2007, nous vous avions présenté la Inner City Development Coop (ICDC) qu’Yvon avait eu l’occasion de visiter en octobre 2007 à l’occasion du premier Forum asiatique d’économie solidaire.
Or, une tragédie vient d’affecter la communauté. Le typhon Ondoy a frappé très durement le 26 septembre dernier. Tel que décrit dans un message reçu de la part Zeny de Jesus de ICDC, le désastre s'est abattu sur l’ensemble de la communauté, incluant 99% des membres de la coopérative. Et ce n’est pas tout, un incendie a en même temps détruit 600 logements. Le message explique bien la situation.
Comme ça arrive souvent, les plus pauvres sont les plus affectés quand les désastres surviennent, notamment parce que le bidonville est situé dans des zones plus propices à des inondations.
Malgré tout, avec l’outil collectif qu’ils possèdent, la coopérative, ils ont immédiatement pris en charge les activités de survie pour eux et pour la communauté.
Ayant constaté la force et la volonté de la coopérative et de ses membres, je suis certain qu’ils réussiront à reconstruire leur communauté, et à renouveler les efforts pour sortir la population de la pauvreté.
Auteur : Yvon Poirier
Même si l’article suivant n’est qu’en français, il permet de visualiser, grâce aux photos, les dégâts.
http://blog.lefigaro.fr/babyloan/2009/09/manille-ou-lirresistible-montee-des-perils.html

Nos Bulletins sont disponibles sur le WEB :
http://developpementlocal.blogspot.com/
www.apreis.org/

Remerciements à nos traducteurs :
Éveline Poirier (Canada) pour l’anglais, Brunilda Rafael (France) pour l’espagnol et Michel Colin (Brésil) pour le portugais.

Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca

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