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3/02/2012

Bulletin International de Développement Local Durable
Bulletin d’information #86
1er Mars 2012

Sommaire
Le lancement du Sommet des peuples : « La transition, c’est maintenant ! »Porto Alegre (Brésil) 24 au 29 janvier 2012.

Message de l’équipe éditoriale

Nous faisions mention dans le dernier numéro de l’importance de RIO+20 pour l’avenir de la planète et de l’humanité.
Martine participait à une rencontre préparatoire au Brésil au mois de janvier dernier, à titre de membre de la délégation du Collectif français RIO+20.

Quel lien avec le développement local durable ? À priori, on pourrait penser que ces enjeux mondiaux sont loin de nos préoccupations quotidiennes dans nos localités respectives. Mais, comme nous le savons tous, les impacts du mode de développement actuel affectent toute la planète, y compris dans nos propres milieux de vie. Nous n’y échappons pas.
Ainsi, nous ne pouvons que formuler le souhait que ce deuxième «Sommet de la terre» 20 ans après celui de Rio en 1992, aboutisse enfin à des engagements concrets afin de préserver la planète pour les générations futures. Et le souhait que la mobilisation dans le cadre d’un Sommet des peuples, qui se tient en parallèle, réussisse à faire entendre la voix « des gens », la nôtre, celle des peuples, des communautés et des simples citoyens ! Nous-mêmes nous devons constamment revoir nos modes de vie et de consommation, afin de les rendre compatibles avec la sauvegarde de la biosphère.

Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut

Le lancement du Sommet des peuples : «La transition, c’est maintenant !» Porto Alegre (Brésil) 24 au 29 janvier 2012.

Par Martine Théveniaut



Le principal obstacle est identifié : la fragmentation des réponses va de pair avec l’absence d’un horizon d’attente susceptible de réunir les forces vives autour d’une perspective commune. Chaque État parle pour son pays. Les groupes majeurs défendent leurs intérêts sectoriels. Et un total ne fait pas un global. RIO+20 est une invitation faite à la société civile mondiale de se rencontrer… au Brésil ! Brésil, berceau de résistances sociales organisées, vitalité et longévité des relations entretenues avec l’Europe!

L’ambition de «Réinventer le monde»

Le «Sommet des peuples Rio+20 pour la justice sociale et environnementale» porte le projet d’être un moment fondateur, inscrit dans le même calendrier que la Conférence officielle de l’ONU, pour affirmer la force politique des peuples organisés et leur capacité à traiter des grands problèmes du monde, car ces problèmes sont aussi les leurs ! Les réseaux qui préparent ce Sommet sont réunis dans une «coupole» ouverte. Elle compte 300 à 400 organisations, représentées par un comité de facilitation composé de personnes et de réseaux clés du Brésil : peuples indigènes, femmes, communautés noires, syndicats… Le FBES (Forum Brésilien de l’économie solidaire) en fait partie, représenté par Andrea Mendes.
Des réseaux des pays voisins y participent. La Bolivie occupe une place en vue avec la présence très investie de Pablo Solon, négociateur pour son pays à Cancun qui a démissionné de ses fonctions de conseiller gouvernemental. Des communautés indiennes des 8 pays du bassin du fleuve Amazone – avec un projet collectif fondé sur leurs «cosmovisions» – résistent à des décisions imposées dans des agendas et avec des méthodes non concertées. L’internationalisation de la coupole est engagée avec l’entrée de réseaux d’Afrique du Sud, du Maghreb ou de Palestine.
L’événement occupera le Parc du Flamengo à Rio de Janeiro du 17 au 23 juin 2012, organisé de façon parallèle et indépendante en groupes de discussion autogérés, autour d’une Assemblée Permanente des Peuples, qui fonctionnera dans des relations «outside» / «inside» de vigilance et de proposition avec les «négociateurs» institutionnels.

Le Comité de facilitation de la préparation du Sommet des peuples fonctionne lui-même avec un comité exécutif constitué de la puissante coordination syndicale de la CUT (Centrale Unique des Travailleurs), de La Via Campesina du Mouvement des Sans-Terres, et le GRAP-FSM (Groupe de Réflexion et d’Appui au Forum Social Mondial) (1).

Forum des mouvements sociaux brésiliens et Sommet des peuples : deux dynamiques imbriquées.

Au départ, ce FST (Forum social thématique) était conçu pour 2 000 à 3 000 personnes venant dans l’objectif de préparer le Sommet des Peuples en systématisant les travaux de groupes thématiques au travail depuis plusieurs mois.
Leurs travaux sont structurés autour de quatre axes transversaux :
Fondements éthiques et philosophiques: subjectivité, domination et émancipation ;
Droits de l'homme, Peuples, territoires et défense de la Terre-Mère ;
Production, distribution et consommation: accès aux richesses, biens communs et économie de transition ;
Sujets politiques, architecture du pouvoir et démocratie.
La mise en commun des résultats doit «soutenir l'articulation des expériences avec les contributions politiques dans un processus d’internationalisation» : agenda des transformations, forums électroniques, différentes langues pour les participants. (2) La délégation du Comité français RIO+20 a été constituée pour y contribuer sur la base de ses propres travaux et envisager quelle participation à une stratégie collective. (3)

Les interférences entre les différents objectifs de la rencontre n’ont pas permis de tirer tout le parti possible des travaux des groupes thématiques, avec une organisation essentiellement bénévole. L’héritage idéologique d’un «centralisme démocratique», une autogestion inflationniste et la surchauffe émotionnelle des leaderships se sont heurtés. Dire qu’on ne part pas de rien, c’est aussi accepter de se donner des règles du jeu pour installer la confiance, par la transparence d’un processus de construction collective. En réalité, l’événement a pris beaucoup plus d’ampleur que prévu. Il a mobilisé largement les Brésiliens en période pré-électorale des municipales et leurs voisins autour du contexte géopolitique de l’Amérique Latine: de 20 000 à 30 000 participants et pas loin de mille activités auto-organisées ! Peu d’Africains et très peu d’Asiatiques. Beaucoup découvrent l’imbrication des dynamiques du FST et du Sommet des peuples.
La rencontre a néanmoins permis de faire un point des ressources et des faiblesses d’une société civile qui tente de se saisir du gouvernail à partir de ce qu’elle est aujourd’hui. En ce sens, c’était probablement une étape, indispensable et utile, dans un processus d’affirmation inédit.

Le point du processus officiel.

Le Draft 0 de l’ONU publié en janvier, «Le futur que nous voulons!» est mauvais. Les déclarations du Groupe des 77 ne proposent rien. La mécanique institutionnelle est bloquée, alors que pris un par un, les représentants de bien des pays sont critiques. Au chapitre gouvernance, un vrai problème est que chacun parle au nom de son pays. Il n’existe pas de vision transversale et pas de légitimité pour défendre les biens communs, pas d’organisation onusienne pour porter ce sujet. Certains États sont plus engagés que d’autres, Brésil, Chine, Petits Etats Insulaires en Développement, plusieurs pays d’Amérique latine, l’Inde en demi-teinte. Les différents pays de l’Afrique sont plus réceptifs du fait de l’installation d’un premier organe officiel de l’ONU à Nairobi. Le Canada, fermé, peut faire échouer la conférence.

Il y a des attentes onusiennes concernant un troisième secteur non lucratif, de nouvelles mesures du progrès pas seulement économiques, l’accès aux droits, aux services, une montée d’intérêt sur les océans. Certains thèmes sont mûrs pour progresser: eau, souveraineté alimentaire, une authentique représentation de la société civile comme troisième pilier. Devant l’emprise de lobbys qui règnent sur les instances onusiennes, pourquoi ne pas institutionnaliser un processus consultatif formalisé, à la façon des Comités économiques et sociaux européens, ou du Mécanisme Société civile du Comité de la Sécurité alimentaire de la FAO, ou d’une tribune officielle des engagements des États suivie au niveau international.

L'entrée en scène politique des «indignés».

Leur présence a pris une place stratégique dans le déroulement. Ils campent devant l'assemblée législative de l'État du Rio Grande do Sul. Invités par les organisateurs du FST, trois jours de suite, entre midi et 14 h, ils témoignent et discutent entre les séances officielles d’un programme non stop. Ils animent une séance plénière le 3ème jour. Très entourés, sollicités, pressés de rejoindre la dynamique qui se met en place, ils ne sont pas tous membres du FSM, «soutiennent» ce combat, conscients que «les organisations en place ne répondent pas aux problèmes qui se posent». Indignés de Grèce, d'Espagne et de Catalogne, d'Angleterre, des USA, étudiants du Chili ont compris que «les partis n'ont pas la réponse». Ils considèrent de leur responsabilité de changer les choses et de trouver des outils pour approfondir un autre modèle de démocratie et d'exercice du pouvoir».

Un an après le démarrage des soulèvements populaires, les indignés de différents pays du monde arabe disent mieux savoir aujourd'hui «en travaillant entre des extrémismes, où sont leurs amis et leurs ennemis : les islamistes, mieux organisés, ont gagné la première manche en remportant les élections ; les pays occidentaux ont laissé faire les dictateurs dont ils se sont défaits avant de les soutenir pour des raisons qui ne sont pas désintéressées ; une extrême gauche divisée a perdu l'énergie de changer le monde».

Esther Vivas, venue de Catalogne, dit que « dans son vécu il est devenu clair que le capitalisme est incompatible avec la démocratie. La réponse des indignés est radicale et frontale. Ce n’est pas une réforme cosmétique de la social-démocratie, mais la volonté d’une vraie démocratie qui soit aussi économique et autogérée. Elle s’acquiert actuellement dans le vécu au quotidien et dans des réponses non-violentes: veiller sur des personnes isolées et sans soin, empêcher des expulsions de familles insolvables qui se multiplient. Pour le moment le gouvernement n'ose pas les agresser policièrement, car la majorité de la population les soutient. Les défis sont nombreux : combiner les formes de résistance et les luttes encore éparpillées en une dynamique collective de résistance : locale, nationale, internationale ; garder l'appui populaire ; approfondir les analyses en y intégrant le développement durable qui n'était pas encore perçu comme prioritaire, mais qui rejoint l'anticapitalisme (sol, eau...). Il faut se préparer à une résistance qui va augmenter de la part des gouvernements, car c'est le début d'une révolution sociale».

Le mouvement altermondialiste continue de s’interroger sur son avenir.
Des anciens ont posé le constat lors du Forum Social Thématique de Porto Alegre : «On est toujours convaincu de la justesse de nos idées, mais on ne sait pas sortir de l’entre soi… Notre problème c’est le renouvellement» dit à la tribune Chico Whitaker, 80 ans, un des fondateurs. De fait, les FSM ne rallient qu’à la marge les forces vives engagées dans les grandes mobilisations populaires actuelles pour plus de démocratie. Ce FST fait partie des tentatives de réforme en cours pour trouver un second souffle. Certes la CUT et Via Campesina restent une force de résistance capable de mobiliser les grands nombres. Ceci dit, leurs membres sont partagés sur «l’économie verte», dans un dilemme, car l’industrialisation du pays, ce sont aussi des emplois, comme le leur dit la présidente Dilma! Des activistes du développement durable étaient aussi présents dans la marche d’ouverture du 24 janvier, sur d’autres positions. Les débats entre eux ont été très vifs semble-t-il.

Le FST s’est conclu par une déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux (4) et le lancement du Sommet des Peuples, au Gazomètre de Porto Alegre, samedi 28 janvier au soir, introduit par des organisateurs du comité exécutif du FST. “Unis dans la diversité”, telle est la direction indiquée par Carmen Foro, secrétaire de l'environnement à la CUT : l’intérêt des alliances a pris le pas sur les divisions! C’est la meilleure nouvelle de ces rencontres…

En tant que membre française du Collectif RIO+20 et membre du RIPESS Europe, ce FST a constitué un point d’étape très instructif des acquis d’un an de préparation. Des documents solides, des lignes de fond, des dissensus identifiés… soutiennent un intérêt direct et mobilisent du monde. La société civile est placée devant la responsabilité de ses choix : s’unir pour former collectivement des coalitions constructives et changer l’agenda, pour faire des propositions concrètes issues de son expérience «gagnables dès 2012». Des passerelles ont été installées, sur une durée de 4 jours, entre la conférence officielle et le Sommet des peuples par le Brésil qui a tout intérêt à des résultats meilleurs qu’à Copenhague ! La stratégie se cherche. Avec le soutien de Luiz Fernando Pezao, vice-gouverneur de Rio de Janeiro, coordinateur de l'infrastructure de l'État, la Ville de Rio compte plaider auprès de l’ONU, entre le 20 et 22 juin, une meilleure prise en compte d’échelons de gouvernance publique infrarégionaux. Un secrétariat permanent est voulu par le Brésil pour faire un lien mieux articulé entre l’économique et les Objectifs du Millénaire sur la pauvreté. Des objectifs de DD (développement durable) feront partie des résultats : universels pour toute l’humanité, aspirationnels sur quelques cibles à 2030. L’importance pondérée, accordée aux cibles économiques, sociales et environnementales sera fonction de la force des messages et du poids des coalitions.

(1) http://www.grap.org.br/forum-social-tematico/
(2) http://dialogos2012.org/category/noticias/?lang=fr (portugais, anglais, français espagnol)
(3) Tribune ouverte par le Collectif RIO+20 qui réunit en France une quarantaine d’organisations pour la préparation de la Conférence
http://collectif-france.rio20.net/2012/02/15/rio20-une-transition -maintenant-tribune-du-14022012-sur-mediapart/
(4) Disponible en 4 langues sur le site http://rio20.net/fr/documentos

À propos du bulletin

Ce bulletin est publié en français, en anglais, en espagnol et en portugais. Il est réalisé de manière totalement bénévole depuis le premier numéro publié en 2003.
L’équipe éditoriale tient à remercier les personnes bénévoles suivantes pour leur implication dans la traduction et la révision:
Michel Colin (Brésil)
Paula Garuz Naval (Irlande)
Évéline Poirier (Canada)
Brunilda Rafael (France)
De plus, nous désirons remercier le Policy Research Institute for the Civil Sector (PRICS) du Seikatsu Club au Japon pour la traduction vers le japonais.
Les bulletins sont sur le web à deux adresses.
http://developpementlocal.blogspot.com/
www.apreis.org/

Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca

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