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2/04/2011

Bulletin International de Développement Local Durable
Bulletin d’information #75
1ier Février 2011

Sommaire

Message de l’équipe éditoriale

La promotion d’une économie territoriale coopérante pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Vers des P’Actes européens.
Quatre scénarios de développement économique local


Message de l’équipe éditoriale

Déjà une décennie écoulée dans le 21e siècle. Comme vous tous, nous pouvons constater que la situation planétaire ne s’améliore pas et le scandale d’un milliard d’êtres humains qui vivent avec un revenu de moins de 1,25 US$ par jour, ainsi que le recul des résultats fixé lors du Millénaire dans bien des domaines.

Toutefois, les dix dernières d’années ouvrent des perspectives nouvelles. La grande majorité de l’humanité considère qu’il faut mettre en œuvre des mesures pour sauver la planète elle-même. Malgré les échecs, ou quasi échecs, de Copenhague et de Cancun, la poussée est très forte pour des engagements fermes, dans la plupart des pays.

La fin de la décennie illustre l’échec évident du capitalisme néolibéral comme système économique qui s’avère incapable de répondre aux besoins du plus grand nombre des humains. Dans le même temps, nous sommes fort encouragés, et stimulés à continuer, par les avancées dans la construction d’alternatives concrètes qui apportent des réponses aux besoins essentiels, en particulier celles qui allient l’économie sociale et solidaire avec le développement local durable. Sans parler des progrès considérables des mouvements sociaux dans la construction de la dimension mondiale de leur plaidoyer, notamment le processus des Forums sociaux mondiaux.

Il va de soi que les défis sont énormes pour inverser la tendance et pour que ces alternatives deviennent le courant dominant. Nous-mêmes ne le verrons pas nécessairement de notre vivant. Espérons que les plus jeunes générations pourront le réaliser et le vivre!

C’est dans cette perspective que nous désirons poursuivre notre modeste œuvre.

Équipe éditoriale
Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut

La promotion d’une économie territoriale coopérante pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Vers des P’Actes européens.

Comité des Régions européennes, Bruxelles, 23 novembre 2010.

Cette journée s’inscrit dans le calendrier des suites de l’Atelier7 « Participation démocratique et ancrage territorial » animé par les Pactes Locaux lors du Forum Lux’09 (avril 2009), dont nous vous tenons régulièrement informés. Fort du consensus obtenu, ils inscrivent leurs résultats dans le débat public européen. En 2010, ils organisent un événement, dans le calendrier officiel de l’Année européenne dont le thème est « la Lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ». La préparation de cette journée est portée par un comité d’organisation européen composé d’une douzaine de personnes et d’organisations volontaires qui souhaitent se constituer en collectif permanent de ressources. Sa composition ouvre en effet sur d’autres langues que le français, d’autres thématiques et de nouveaux réseaux (1). C’est l’occasion de tenir une réunion de travail en amont, largement ouverte sur l’Europe et l’Intercontinental, grâce au soutien financier de la FPH. Accueilli à Brussels, au Comité des Régions, le 23 novembre 2010, le collectif annonce publiquement la naissance des P’ACTES.

Les membres de ce comité ont fait le choix de partir de la base - leurs résultats et leurs analyses - pour installer un dialogue porté par des citoyens organisés sur une base territoriale, à l’adresse des Gouvernements régionaux et locaux, des entreprises, des chercheurs. Ils ouvrent une réflexion stimulante sur « le global dans le local ». « Nous sommes réunis pour une cause que nous défendons depuis longtemps. Les solutions se trouvent au niveau local, mais doivent oser inclure une dimension mondiale. Nous avons agi les uns et les autres, à des niveaux de gouvernance différents et en complémentarité, pour que chacun soit acteur de son développement. Avec le respect mutuel, la confiance, la persévérance, ces relations ont progressivement forgé des réponses réelles et significatives à la crise : elles font référence et nous légitiment un peu plus les uns les autres. Nous avons tenu bon sur l’impérieuse nécessité de faire du citoyen la pierre angulaire de la réponse à ses besoins, bâtisseur et co-responsable de son avenir. Cela demande de la part des structures et des institutions une profonde remise en question. En tant que société civile organisée, nous sommes là pour en parler, trouver des réponses et des solutions. Comme le disent très bien les Québécois ‘la solidarité c’est les yeux dans les yeux’ ». Introduction : France Joubert, président

La démarche, développée par des pairs, est maintenant reconnue par ces pairs.

Des acquis concrets dans la durée et la diversité des contextes apportent des réponses à des besoins essentiels tels qu’emploi, alimentation, développement local durable, culture, financement, services, citoyenneté. Ils témoignent ensemble du potentiel considérable de transformation des innovations socioéconomiques et démocratiques pour refonder l’économie réelle et le vivre-ensemble. Les espaces publics de débat et de ressources qu’ils animent prennent à bras le corps les difficultés de la recomposition des réponses par la coopération sur une base territoriale. L’ancrage de leurs organisations combine plusieurs niveaux de relations, sur un mode inter-sectoriel, horizontal et non hiérarchique : régional et local dans leurs territoires de vie, européen par leur appartenance culturelle et politique, intercontinental, car ils sont aussi citoyens du monde. En fait, ils sont organisés en réseaux qui ont des fonctionnalités diversifiées : espaces de réalisation (groupements d’employeurs, groupements d’achats, coopératives, lieux d’accueil et de vie…), espaces de débat publics reliés entre eux pour exercer une fonction de plaidoyer ; centres de ressources pour informer, pérenniser, promouvoir, inscrire les avancées dans le droit commun, du local à l’Europe. Ils sont souvent adossés à des organismes de recherché (académiques ou non) pour faire jouer les leviers de l’interaction entre l’action et la recherche, en vue de l’amélioration de l’action. Ce sont aussi des espaces d’organisation, voire de négociation. C’est une expertise d’usage d’une génération d’activité pour les plus anciens d’entre eux, soucieux de transmettre. Bref ce sont des prototypes pour « reprendre le gouvernail » là où ils vivent, et pour« maintenir le cap sur le changement social, économique et écologique en période de turbulence » (Mike Lewis). Continuer sur cette voie passe par la construction de leurs convergences.

Les P’ACTES se proposent de devenir un espace public de dialogue multi-niveaux, inscrit dans l’Agenda européen.

Comment faire mieux avec moins ? Comment s’ouvrir et « faire avec » les nouveaux acteurs que sont les Régions et les Villes, mais aussi les acteurs de la société civile organisée? De fait, tels sont les acteurs principaux de l’économie réelle et du renouvellement de la vie démocratique. Le nouveau Traité de Lisbonne a consacré cette évolution en 2010 : la cohésion territoriale est devenue le troisième pilier du projet européen, mais dans les faits, les résistances sont puissantes, car le pouvoir reste concentré à la Commission, et la subsidarité sous la tutelle des Etats-membres. La « gouvernance multi-niveaux », concept promu et adopté en 2010 par le Comité des Régions européennes, est le nouvel instrument que se donnent les autorités locales et régionales pour transformer les choses. Enfin, le « développement local », après dix ans d’effacement, est remis en valeur dans la stratégie 2020 de cohésion dont les budgets se décident en ce moment.

Les P’ACTES se proposent de « relayer et organiser un développement local durable au service d’une économie territoriale coopérante » avec les leviers démocratiques qu’ils ont expérimentés dans la mise en œuvre de leurs réponses concrètes. Au vu de la pertinence des « Voyages apprenants », ils engagent un nouveau cycle européen, en 2011 et 2012, pour « mutualiser l’expertise d’usage, acquise dans des réalisations territoriales consolidées, multiplier le nombre de personnes et de territoires volontaires pour s’approprier cette conduite d’action territoriale intégrée ». Car, l’un des verrous du changement d’échelles, c’est soit « la belle pratique » (l’oasis dans le désert), soit la procédure qui enferme l’initiative dans une cage qui l’empêche de prendre son envol. Un rapport à la Commission européenne souligne d’ailleurs «l’absence presque universelle d’investissement dans des mécanismes fiables et solides pour tirer parti des nouvelles méthodes de travail, exporter le savoir-faire acquis dans d’autres contextes géographiques et économiques, ainsi que dans d’autres pays » (2).

Or, un développement local, durable, relié horizontalement, peut être une issue par le haut de la crise actuelle, à certaines conditions : « Une stratégie conçue et appliquée en vue d’obtenir des réponses concrètes aux problèmes essentiels qui se posent au quotidien : gestion des ressources communes, activités et emplois, conditions de vie et services, dans une perspective d’ouverture et d’articulation solidaire entre les territoires. Une stratégie inscrite dans une perspective de moyen et long terme d’intégration dans le droit commun, des réponses locales et régionales (interactions territoriales et coopérations). La responsabilité partagée est son principe directeur. La Gouvernance multi niveaux son instrument. Elle inclut la société civile organisée comme partie prenante dans la conduite d’action, en tant qu’acteur collectif de l’économie réelle et de la gouvernance territoriale. Une stratégie multi-fonds dans un cadre programmatique facilitateur, des règles d’application simples et transparentes. Des objectifs de résultats définis par des indicateurs quantitatifs (combien) et des indicateurs qualitatifs (comment) tels que : satisfaction des besoins essentiels dans l’économie réelle; qualité du vivre ensemble; résilience; vitalité démocratique et culturelle; diminution de la dépendance énergétique, alimentaire ou financière exogènes »

Un programme d’action, inscrit dans le calendrier 2013 de la 5ème rencontre intercontinentale du RIPESS

Programmée pour l’Asie en 2013, cette perspective maintient ouvert l’horizon et stimule pour continuer à construire les suites de l’atelier Lux’09. En 2011, les P’ACTES espèrent participer activement, études de cas à la clé sur les avancées de l’approche territoriale d’une économie coopérante, à la rencontre intermédiaire de Kuala Lumpur. Le thème de cette rencontre est : « Les entreprises sociales comme véhicule de transformation socio-économique des communautés ».

Martine Theveniaut
Pactes Locaux

(1) http://aloe.socioeco.org/page73-projet_fr.html Vous trouverez ici le compte-rendu de la journée ( français seulement) et le Texte de lancement des P’ACTES (français et anglais). Et sous le lien suivant : http://www.pactes-locaux.org/ vous pourrez télécharger toutes les interventions disponibles.
(2) « Soutenir le développement local dans le cadre de la politique de cohésion: bonnes pratiques et options politiques futures (2009-2010) DG Régio, sous la direction de Marjorie Jouen (Notre Europe), avec ADETEF,AEIDL,City Consult

« Pratiques et potentiel d’une économie territoriale coopérante pour le futur de Pactes territoriaux », présenté à Brussels, le 23 novembre 2010, par Karl Birkhölzer, économiste, Technologie-Netzwerk Berlin e.V.

« Quatre scénarios de développement économique local.

Qu'entendons-nous par développement économique local ? On pourrait établir une distinction entre une approche descriptive ou analytique et une qui l’examine selon l’activité ou ses aspects politiques. D'un point de vue descriptif, le développement économique local couvrirait toutes les activités économiques qui se produisent au niveau local ou régional et/ou ont un impact sur les localités. Mais bien plus intéressante est la perspective politique de développement économique local : il est certainement plus que «le développement économique au niveau local", c'est une façon particulière, ou un certain type de développement économique différent des autres formes ou types de développement économique, et l'argument est ici que les entreprises sociales jouent un rôle clé dans l'élaboration de telles stratégies. Pour comprendre son caractère spécifique, je présenterai quatre scénarios:

Le premier scénario est celui du "développement par le haut" l'acteur principal ici est l'État, qui agit de haut en bas, du gouvernement central aux autorités régionales et locales du gouvernement. Dans ce scénario, les acteurs locaux, les gens, les entreprises ainsi que les autorités attendent des décisions ainsi que les ressources venant d'en haut, parce qu'ils croient que l'État est, soit principalement responsable de tous les types de développement, ou que l’on n’a pas le pouvoir de le faire. Cette attitude se retrouve souvent dans les sociétés avec les gouvernements centralisés, non seulement dans les régimes autoritaires, mais aussi dans les États-providence forts. Ce scénario est généralement accompagné par un degré élevé de dépendance à l'égard des mesures et l'arbitraire. Et finalement, ça ne fonctionne plus si l'État se heurte à des troubles politiques ou économiques.

Le deuxième scénario est le "développement de l'extérieur": Il fait suite souvent à la rupture de la première option. Ce qu'ils ont en commun est que les acteurs locaux estiment qu'ils ne peuvent rien faire par eux-mêmes. Par conséquent, des « investisseurs » de dehors sont nécessaires pour apporter les ressources nécessaires, surtout de l'argent. Dans toutes les parties du soi-disant monde «sous-développé », on est désespérément à la recherche d'investisseurs. Je me demande où ces animaux étranges vivent et comment les attirer. Tout ce que je peux voir, c'est une concurrence désastreuse entre les communautés, les régions et les pays où seul l'investisseur profite d'un processus inévitable de dumping : bas salaires, prix de l'immobilier, réductions d'impôt et ainsi de suite. Et même, parfois, les communautés tentent d’utiliser leurs dernières ressources disponibles dans de douteux programmes d'infrastructures qui devraient attirer les investissements comme les terrains de golf, hôtels de luxe et de centres de conférences, sites industriels et de bureaux, des centres de développement des affaires et ainsi de suite. Et comme dans toute autre concurrence, les vainqueurs seulement ont toujours un happy few, les perdants sont la majorité. Je ne suis pas contre les programmes d'infrastructure en tant que tels, mais il y a certainement quelque chose de mauvais, s’ils sont conçus seulement pour les besoins de l'extérieur. Et même en cas de succès, les objectifs de l'investisseur pourraient ne pas être les mêmes que ceux de la communauté. Les investissements financiers de ce type sont aujourd'hui très dynamiques et flexibles pour qu'ils puissent se déplacer facilement d'un endroit à l'autre, s’ils peuvent trouver de meilleures conditions, ou si les projets ont changé. Du point de vue de la « durabilité », attirer des investisseurs de l'extérieur est une affaire très risquée.

Le troisième scénario pourrait être appelé "wait and see" (attendre et voir) : les acteurs locaux restent plus ou moins passifs et attendent que des choses arrivent. Certains peuvent voir cela comme un processus quasi naturel de sélection, d’autres comme une démission à la suite de l'échec des options un et deux. La traditionnelle « solution » dans ce scénario est la migration. En fait, c'est l'option la plus populaire, mais il devient de plus en plus difficile de trouver des endroits où émigrer, non seulement en raison des restrictions politiques, mais aussi pour des raisons économiques, parce que les îlots de prospérité dans le monde entier deviennent de plus en plus petits, en taille et en nombre.

J'appellerais le dernier scénario :"le développement de l'intérieur": l'option numéro un est dominée par l'État, le numéro deux par l'investissement privé et le numéro trois par le fatalisme. Dans ce scénario, les acteurs locaux, les gens eux-mêmes, jouent un rôle clé. Et nous voilà au cœur du développement économique local : il commence lorsque les gens réalisent que ni l'État ni l'économie de marché ne peuvent répondre à leurs besoins ou résoudre leurs problèmes, et s'ils refusent ou sont incapables de quitter leur foyer. Dans cette situation, les gens se lancent (généralement après une période d'insuccès dans des manifestations ou des campagnes militantes), dans des stratégies d'entraide économique qui conduisent souvent à la fondation de nouveaux types d'entreprises (sociales).

Un des pionniers du développement économique local, Sam Aaronovitch de l'Unité de politiques d'économie locale de Londres résume cela en une expression : "Il n’existe pas d’échappatoire au self-help! " (l'aide à soi-même). »

Après avoir exposé les échecs auxquels conduisent les trois premiers scenariis, Karl Birkölzer présente, exemples à l’appui, les composantes de ce qui fait le succès du "développement de l'intérieur": Répondre aux besoins non satisfaits, c’est redécouvrir que l’on n’est jamais mieux aidé que par la confiance que l’on accorde à ses propres capacités, dans le cadre de la coopération avec les autres. C’est ce qui génère et régénère le capital social. C’est d’abord la confiance qui recrée des cycles économiques locaux. « En effet, une des attitudes les plus désastreuses est celle des gens qui croient qu’ils ne peuvent rien faire sans accès à l'argent. Ceci conduit à la "wait and see", scénario de la dépendance envers des bailleurs de fonds qui imposent leurs propres idées sur ce que l’argent vaut pour eux. Dans les localités ou les zones en crise économique où ce capital social a été endommagé et qu’il manque, les ressources les plus importantes sont les capacités de la population locale, ses connaissances et ses habiletés. Par conséquent, le processus de développement économique local doit commencer en premier lieu par des activités non économiques centrées autour de la construction et du développement communautaire. »

Karl Birkhölzer Technologie-Netzwerk Berlin E.V.
Traduction en français par Yvon Poirier
www.technet-berlin.de
http://www.pactes-locaux.org/

Nos Bulletins sont disponibles sur le WEB :
http://developpementlocal.blogspot.com/
www.apreis.org/

Remerciements :
Paula Garuz Naval (Irelande) pour l’espagnol
Michel Colin (Brésil) pour le portugais
Évéline Poirier (Canada) pour la traduction vers l’anglais

Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca

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