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3/06/2008

Bulletin International de Développement Local Durable 

1 Mars 2008

Sommaire

Message de l’équipe éditoriale

Pourquoi le développement endogène reste-t-il le parent pauvre des stratégies de développement en Europe ?

Sommet des Peuples : invitation
Mai 2008 à Lima


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Notre ami et collègue Francisco Botelho est décédé le 3 février dernier. Voici un texte qu’il a écrit en 2006 (il se savait malade) lu lors du service funéraire.




Plénitude
Le silence...
Il est vrai que dans ce lent coucher de soleil, on entend le silence avec plus de force. Mais ce n’est pas le silence.
La tranquillité...
Sous la lumière violente, la nature repose. Quelques chauves-souris voltigent au-dessus de la cour. L’eau s’écoule dans le réservoir, presque imperceptiblement. Tout, dans la nature, semble occuper son propre lieu. Mais ce n’est pas la tranquillité.
La paix...
Tout d’un coup, en moi et hors de moi, tout est harmonie. À ce moment précis, tout sonne juste. Tout a raison. Mais, rien n’a besoin d’avoir raison, parce que le cœur ressent la plénitude. Mais ce n’est pas la paix.
Je ne sais pas ce qu’a ce lieu. Ce lieu où tout fait sens. Ce lieu où je parviens à réunir tout ce qu’il y a en moi. Sans drames, sans angoisses. Plénitude, peut-être est-ce cela, ce qui me comble dans cette vieille cour de la maison ancestrale de mes aïeux. Ici je vis, ici vivent tous mes fantômes, ici vivent les âmes de Santa Marinha.
Peut-être un jour pourra-t-on me conduire ici pour mourir. Peut-être un jour pourra-t-on répandre mes cendres sur ces quelques mètres que ma vue survole. Parce que plus qu’à n’importe quel lieu au monde, j’appartiens ici.


Message de l’équipe éditoriale

C'est avec grand regret que nous avons appris le départ de notre ami. Nous offrons à sa famille et ses proches nos sincères condoléances. Tu vas nous manquer Francisco, mais soit assuré que tu vas continuer de nous inspirer.

Dans ce numéro, nous vous présentons une réflexion sur la place du développement endogène, mis en corrélation avec le développement exogène. Trop souvent jugé mineure, cette place pourrait bien être redécouverte dans le contexte actuel comme tout à fait déterminante. Cette contribution est située dans une perspective européenne, mais les enjeux sont relativement similaires dans les autres continents. Ainsi, nous souhaitons que vous trouviez le texte aussi stimulant que nous.

Par ailleurs, nous vous acheminons une information en provenance d’Amérique latine. Le Sommet des peuples de mai prochain à Lima sera une opportunité pour les mouvements sociaux de présenter des alternatives aux politiques de globalisation en cours qui prédominent actuellement dans nos sociétés.

Équipe éditoriale
Yvon Poirier
Martine Théveniaut


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Pourquoi le développement endogène reste-t-il le parent pauvre des stratégies de développement en Europe ?

Le Cercle des entrepreneurs du futur a décerné un « Grand prix de la réflexion pertinente et impertinente » à Marjorie Jouen, de l’Association Notre Europe, pour sa contribution au débat sur ce « thème émergent et controversé », en décembre 2007.

Les ressources locales sont encouragées à courir derrière le développement exogène !

On assiste à la concurrence entre territoires, à la course aux investissements extérieurs. Le développement « de bas en haut » conserve un caractère palliatif et marginal. Aujourd’hui, l’essentiel des moyens reste affecté à l’attractivité des investissements étrangers, ignorant les externalités négatives de ce modèle. Pourtant, les stratégies industrielles de reconversion des années 70-80 en Europe n’ont pas rempli leurs promesses. D’autres stratégies plus modestes ont été essayées dans les années 90 : soit anticiper les fermetures en créant une myriade de petites et moyennes entreprises, le plus souvent tertiaires, soit réorienter en douceur l’économie locale en encourageant les initiatives d’habitants, en cultivant un climat générateur d’activités, les coopérations horizontales dans le contexte de la décentralisation.

Le développement local victime de son succès ?

Même les organisations internationales s’y sont mises. Le développement local est présenté comme un instrument adapté aux pays, régions et populations défavorisés. La vision néolibérale, exogène, s’impose : phénomènes de concentration-agglomération, cumulatifs, spécialisation et accélération de la concurrence entre les régions, polarisation discontinue du développement territorial autour des zones densément peuplées, nouvelles inégalités. Des pays européens moins développés ont su faire valoir leurs avantages comparatifs et tirer profit de ce choc exogène (Irlande, Finlande) ; d’autres s’en sont montrés incapables pour de multiples raisons qui tiennent à leur histoire singulière et/ou aux défaillances institutionnelles. L’engouement actuel pour « les pôles d’entraînement), qu’ils soient ruraux ou urbains, traduit tout simplement l’orientation politique générale qui mobilise les ressources locales au profit ... du développement exogène !

Dans le discours politique, ce mouvement s’est illustré par le durcissement progressif de la Stratégie de Lisbonne lancée en 2000. Au fil des ans, sous prétexte de rationalisation, la plupart des recommandations relatives au développement local ont été supprimées. En France, alors que le budget public triennal de soutien aux pôles de compétitivité atteint 1,5 milliards d’euros, une enveloppe de l'ordre de 400 millions € est dégagée au titre du Fonds social européen pour le développement endogène local, pour sept ans ! « En définitive, on pourrait dire que le développement local a été victime de son succès et qu’il a été "récupéré" par le modèle économique dominant. En introduisant la notion de compétitivité, celui-ci a su s’approprier à des fins concurrentielles les facteurs immatériels d’un dynamisme territorial, ou encore faire basculer dans la sphère marchande des relations de convivialité et d’épanouissement collectif ».

Des faiblesses internes et des obstacles considérables.

Ça reste une affaire de pratique et les instruments conceptuels manquent. La transposition d’expérimentations singulières pour une montée en généralité est difficile, les capacités personnelles jouant un rôle déterminant. Le concept est flou : sociopolitique, il désigne l’autonomie et la capacité d’auto-organisation des groupes locaux, socio-économique, il tente d’offrir une alternative à l’économie dominante. Cette ambivalence nourrit des attentes diverses et parfois contradictoires. Les liens étroits qui l'unissent aux autorités publiques, le rendent vulnérable aux restrictions budgétaires comme aux inflexions politiques. Entre secteur privé et secteur public, il ne parvient pas toujours à s’affranchir de la tentation clientéliste. Pour certains, il incarne le rêve nostalgique du monde d’hier sans une appréhension réaliste du nouveau système économique mondialisé.

Les obstacles économiques sont considérables. D’un côté des investissements directs étrangers (IDE) apportent de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs et de nouvelles compétences managériales. En France, un emploi nouveau sur quatre est créé grâce aux investissements internationaux, alors qu’un emploi sur sept est lié aux IDE existants. De son côté, le développement endogène local se caractérise par un retour lent sur investissement et une faible capacité à dégager des bénéfices. 5 à 10 ans sont nécessaires pour produire des résultats, la durée nécessaire à l’évolution des mentalités et au changement structurel du milieu. Il ne connaît pas les économies d'échelle et génère peu de valeur ajoutée, d’où son besoin constant de financements externes. Enfin, il s'agit d'un développement en grande partie fondé sur les circuits courts et sur l'autoconsommation, qui se situe donc aux antipodes des intérêts économiques dominants.Les obstacles politiques tiennent aux représentations sociales. La globalisation fascine. La voie de la facilité prédomine à la « vertu » publique. Elle continue à légitimer les Etats-Nations comme les acteurs du développement économique, contre l’évidence des faits.

Pistes de relance pour rouvrir le champ des possibles

A plus long terme cependant, l’état de l’environnement naturel, la fragilité du système financier ou les risques de conflits induits par des disparités croissantes de développement laissent à penser que le développement endogène local n’a pas dit son dernier mot. Les régions et les villes européennes n’ont-elles pas d’autres rôles qu’une course vers « la meilleure économie de la connaissance du monde » dans la division spatiale du travail ? C’est discutable. En fait, le problème vient de l'exclusivité du développement exogène et de sa propension à "absorber" tout le reste. Or, pour bien fonctionner nos économies ont besoin d’une certaine diversité pour leur permettre d'absorber d'éventuels chocs exogènes mais aussi de réduire les externalités négatives. Or, le développement local joue un rôle essentiel dans l’éco-diversité. Plusieurs pistes sont suggérées :
- Une intervention délibérée pour que puissent coexister développement exogène et endogène : depuis la régulation jusqu'au soutien financier, en passant par la réglementation et la contractualisation. Elle peut être publique, mais aussi privée, ou encore s'appuyer sur l'expression de la société civile. Elle doit, en tous cas, prendre appui sur les dynamiques émergentes ;
- Une logique de spécification pour ne pas laisser libre cours aux autres logiques (concentration, spécialisation, ou jeu des avantages comparatifs sur le modèle concurrentiel). Elle produit des externalités fortes et offre une moindre vulnérabilité à l’impact de l’exogène, car elle travaille autour d'un ensemble de ressources spécifiques accumulées sur le territoire et se renforce de la capacité des personnes et des entreprises à se redéployer.
- Les nouvelles opportunités de consommation, liées aux technologies de l'information et de la communication, permettent d'agréger au plan mondial des demandes très marginales et de rentabiliser les ventes et la production de produits jadis délaissés.
- La relocalisation de l'économie bien que souvent invoquée demeure à l’état de slogan. Pour lui donner une légitimité politique, il faut enrichir et mettre en cohérence une argumentation offensive, pousser plus loin l'analyse des externalités négatives des agglomérations et se doter d'un appareil statistique allant au-delà des indicateurs du PNUD.
- Une autre piste est d’accompagner la "dynamique résidentielle" qui signale l'existence de motivations pour la mobilité autres que l'emploi, notamment en lien avec l'avènement de la société des services et le vieillissement démographique. Cette nouvelle donne justifie économiquement des politiques publiques locales ou régionales qui ne seraient pas seulement orientées vers l'attraction des entreprises, mais aussi vers l'amélioration des conditions de vie (logement, environnement, services publics, etc).
Si l'on pousse le raisonnement encore plus loin, on peut y trouver les fondements d'une nouvelle théorie du développement local. Autre chose qu’un palliatif des crises industrielles, ouvert sur le monde tel qu’il est, cette dynamique locale traduit la volonté de vivre ensemble, du lieu de résidence et des services de proximité. La voie est étroite car le basculement vers le consumérisme serait d'un piètre secours et l’appel à la responsabilité citoyenne bien que plus prometteur reste hasardeux. « Finalement, derrière la place laissée par le développement exogène au développement endogène local se profile la question de la capacité de notre modèle de développement à devenir plus durable, dans le sens du non-gaspillage des ressources naturelles ou humaines et de la préservation de l'environnement ainsi que de la réduction des tensions et conflits de toutes sortes. Les vingt prochaines années auront valeur de test pour l’humanité entière ».

Martine Theveniaut :Résumé du papier produit dans le cadre du Grand Prix (catégorie : développement des territoires), 20 pages.

Sommet des Peuples : invitation
Mai 2008 à Lima


Les mouvements sociaux européens et latino-américains convoquent un Sommet des peuples à Lima en mai en réponse Sommet des Chefs d'État et de Gouvernements de l'Europe et de l'Amérique Latine

L’ensemble des mouvements sociaux d’Amérique Latine et d’Europe sont invités à se mobiliser pour cette rencontre, ainsi qu’une invitation de signer un appel à cet effet.

Le site http://peoplesdialogue.org/es/node/187 donne toutes les informations pertinentes concernant le Sommet.

Note. Cette information nous as été transmise par Nedda Angulo du Grupo Red de Economía Solidaria del Perú (GRESP et de RIPESS Amérique latine.

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Nos Bulletins sont disponibles sur le WEB :

http://developpementlocal.blogspot.com/
http://www.apreis.org//

Remerciements à nos traducteurs :
Évéline Poirier (Canada) pour l’anglais, Brunilda Rafael (France) pour l’espagnol et Michel Colin (Brésil) pour le portugais.

Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca

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