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11/10/2011

Bulletin International de Développement Local Durable
Bulletin d’information #83
1er Novembre 2011
Sommaire
Économie sociale et instances municipales : Pour un développement durable des collectivités locales

Message de l’équipe éditoriale


Comme nous le disons depuis le début de la publication du Bulletin en 2003, la construction des réponses, du bas vers le haut, en partant des communautés humaines et des ressources des territoires, est nécessaire à des sociétés plus justes, dans une perspective de développement durable.
Cet article d’Yvon a été écrit pour la revue Développement Social au Québec, dans le numéro publié à l’occasion du Forum international de l’économie sociale et solidaire (FIESS) qui s’est tenu à Montréal du 17 au 20 octobre dernier. Yvon développe l’exemple des relations qu’entretiennent divers acteurs socioéconomiques organisés sur une base municipale au Québec, deuxième plus importante province du Canada avec une population de 8 millions (Canada 34,5 million). Le numéro complet est disponible sur le site de la revue : www.revueds.ca (en français et en anglais).
Son article, documenté et précis, illustre de quelle manière fonctionnent les outils de développement local au Québec : tous ont un mandat d’action légitimé par la loi, des règles de fonctionnement collectives et paritaires, la prise en compte de la singularité des territoires, une stratégie de développement entrepreneurial à plusieurs entrées, des outils financiers d’investissement, des dispositions adaptées au secteur de l’économie solidaire (nommé économie sociale au Québec), reconnu à part entière. L’ancienneté de cet outillage des territoires au Québec permet de disposer de résultats mesurables en termes d’emplois et d’entreprises créées, ainsi que de longévité. La philosophie d’action reconnaît le profit, mais n’en fait pas LA finalité (lucrative pour quelques-uns au détriment des communautés). La méthode engage les autorités locales dans un processus participatif et stimule la mobilisation de tous. Cet article confirme la maturité d’une alternative économique que le FIESS aura mise en lumière en rassemblant des réalisations du monde entier qui ont en commun de porter des réponses aux besoins essentiels à partir de la base.
Équipe éditoriale
Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut

Économie sociale et instances municipales : Pour un développement durable des collectivités locales

par Yvon Poirier


Au Québec, la relation particulière entre l’économie sociale et les instances municipales – et par extension les collectivités locales – est originale et mérite qu’on s’y intéresse. La dynamique entre l’économie sociale et les municipalités passe notamment par des Centres locaux de développement (CLD) et des Conférences régionales des élus (CRÉ) qui, toutes deux, soutiennent à leur façon le déploiement de l’économie sociale.

CLD : un soutien technique et financier de l’économie sociale
Au Québec, la responsabilité du développement local et du soutien à l’entrepreneuriat revient aux municipalités régionales de comté (MRC) ou aux grandes villes. La loi stipule cependant qu’elles peuvent confier l’exercice de cette compétence à un Centre local de développement (CLD). Il existe 120 organismes de ce type au Québec : 111 CLD proprement dits et, dans certains secteurs de Montréal, 9 Corporations de développement économique communautaire (CDEC) qui possèdent un « mandat CLD » . Ce sont tous des organismes à but non lucratif dont le mandat est d’accompagner les entrepreneurs privés et collectifs dans la réalisation de leur projet d’affaires et d’offrir l’ensemble des services de première ligne aux entreprises. Les CLD et CDEC constituent un point de rencontre entre le monde municipal et l’économie sociale.

C’est en décembre 1997 que le gouvernement du Québec votait la loi 171 qui crée les CLD. Cette loi fait suite au Sommet de l’économie et de l’emploi de 1996, qui a reconnu l’économie sociale comme axe stratégique de développement, cherchant notamment à adapter les politiques de soutien aux entreprises. Avec cette loi, les CLD ont reçu comme mandat de développer une stratégie en matière de développement de l’entrepreneuriat, y compris celui qui se fonde sur l’économie sociale. Au même moment, le gouvernement dotait chaque organisme d’un Fonds de développement des entreprises d’économie sociale (FDEÉS), lequel permet le soutien spécifique de ce secteur. Aujourd’hui, les organismes n’ont plus l’obligation de posséder un FDEÉS, mais une très grande majorité a maintenu un outil financier spécifique pour soutenir l’économie sociale. Selon les données du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, c’est plus de 100 millions de dollars qui ont été investis par les FDEÉS dans les entreprises d’économie sociale en 10 ans (1998-2008), créant ou maintenant plus de 47 000 emplois et 5 700 entreprises.

Capitale-Nationale et économie sociale
En 2008, le gouvernement du Québec a adopté un Plan d’action gouvernemental pour l’entrepreneuriat collectif. Ce plan d’action vise à optimiser l’impact de ce secteur d’activité économique et il entend donner aux acteurs du milieu des moyens concrets et adaptés à leur réalité afin d’accroître le dynamisme des régions et de répondre aux besoins des communautés dans une perspective de développement durable.

Le plan d’action prévoit que chaque Conférence régionale des élus (CRÉ) signe une entente spécifique en matière d’économie sociale. Cette dernière est définie de la façon suivante par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire : « Une entente spécifique est une convention qui associe une CRÉ et un ou des ministères ou organismes gouvernementaux ou d'autres partenaires pour l'exercice des pouvoirs et des responsabilités de la CRÉ, notamment pour la mise en œuvre des priorités régionales et pour l'adaptation des activités gouvernementales aux particularités régionales. » En vertu de son mandat, le Chantier de l’économie sociale du Québec accompagne la mise en place de ces ententes, notamment en soutenant la constitution des Pôles régionaux de l’économie sociale dans chacune des régions, action également prévue dans le plan d’action.

Les entreprises d’économie sociale se sont dotées, dans la région de la Capitale-Nationale d’un pôle d’économie sociale constitué de 27 membres. Le pôle a adopté quelques règles à cet égard, c’est-à-dire qu’il doit y avoir équilibre entre les coopératives et les OBNL, parité entre les femmes et les hommes, représentation des sous-régions (Charlevoix, Portneuf), représentation des divers secteurs d’activités. Le pôle d’économie sociale est intégré à la CRÉ de la Capitale-Nationale et cette dernière a entériné les règles fixées pour la nomination des membres du pôle . L’économie sociale représente, pour la région de la Capitale-Nationale, un modèle porteur, car « Les statistiques montrent que le taux de survie après 10 ans est de 44 % pour les coopératives en général, en comparaison de 19,5 % pour les entreprises qui ne sont pas des coopératives. » De plus, les entreprises d’économie sociale sont fortement ancrées leur milieu et n’envisagent jamais de procéder à des délocalisations.

La politique de la Ville de Montréal
En 2009, la Ville de Montréal inaugurait le Partenariat en Économie sociale et solidaire pour un développement solidaire et durable, première politique publique municipale dans ce domaine au Canada. Ce partenariat est le fruit d’une collaboration entre les acteurs de l’économie sociale et la Ville de Montréal.

« Les objectifs du partenariat sont de reconnaître formellement la contribution de l’économie sociale au développement économique, social et culturel de la métropole; de soutenir l’économie sociale en s’appuyant sur les acquis passés, en renforçant les moyens existants et en adoptant de nouvelles façons de faire qui permettront son épanouissement; de consolider et d’accroître la contribution des acteurs de l’économie sociale au développement durable de la métropole du Québec par le biais de la création et du développement d’entreprises collectives répondant aux besoins de ses citoyens. »,

Le Partenariat entend agir sur cinq grands axes qui sont le soutien à l’entrepreneuriat collectif, des pratiques d’approvisionnement solidaires, une promotion intégrée de l’économie sociale, un rôle accru de l’économie sociale dans les grands projets de développement métropolitain et un apport plus grand de l’économie sociale à l’amélioration de la qualité de vie de la population par des interventions en culture, en loisirs, en tourisme, en habitation, en développement durable.

En 2007, le chiffre d’affaires de l’économie sociale à Montréal a été évalué à 2 milliards de dollars. Près de 3 600 établissements génèrent 61 500 emplois, soit 7 % de l’emploi total sur l’île de Montréal (autant que l’industrie touristique).

Des coopératives au service des populations locales

En dehors des grands centres urbains, les entreprises d’économie sociale sont souvent un élément clé de la survie même des villes et des villages.

À ce titre, les populations locales, la plupart du temps avec le soutien de leur municipalité, ont mis en place des activités afin de développer ou de maintenir des services de proximité, essentiels pour lutter contre la migration vers les grands centres, ou même simplement des déplacements onéreux vers des plus grands centres régionaux. Les organismes d’économie sociale ralentissent l’exode rural, voire même inversent la tendance dans certains cas.

Ainsi, depuis 15 ans, une quarantaine de coopératives de santé ont été créées et sont en activité dans les diverses régions du Québec. La majorité de ces coopératives sont nées afin d’assurer une meilleure accessibilité à des services de soins primaires. On retrouve ainsi dans la clinique, un ou des médecins et parfois, d’autres professionnels (infirmières, pharmaciens). Dans les plus petites localités, les médecins abandonnent la pratique en cabinet privé pour se déplacer vers de plus grands centres, et la population se voit totalement privée de ce service essentiel.

Ainsi, afin d’éviter des déplacements de 50 ou de 100 km, les populations locales ont créé ces coopératives afin de mettre en place une infrastructure qui soit plus attrayante pour les médecins. Dans la majorité des cas, c’est la municipalité elle-même, la caisse Desjardins locale ou souvent les deux organismes ensemble qui ont soit démarré ou accompagné la démarche de développement (salles, animation de réunions, etc.). Dans la plupart des cas, c’est plus de 80 % de la population locale qui est membre de la coopérative. Toutefois, les non-membres ont accès aux services couverts par le régime public d’assurance maladie.

Dans un grand nombre de petites villes ou villages, des services essentiels comme une station-service ou une épicerie disparaissent, car ils ne sont pas rentables pour les grandes entreprises dont c’est là le seul critère. Afin d’éviter des pertes de temps et des déplacements onéreux, des citoyens et citoyennes, accompagnés de la municipalité, ont créé des coopératives multiservices afin de doter la communauté de ces services de base, accompagnés d’autres services comme un comptoir postal ou un guichet automatique. Il est important de souligner que la vaste majorité de ces projets adopte la forme d’une coopérative de solidarité, à savoir des coopératives avec plus d’une catégorie de membres.

Des défis à relever
Bien que depuis 1998, grâce aux CLD et aux CDÉC, des relations entre les autorités locales et le secteur de l’économie sociale se soient développées, elles demeuraient souvent indirectes ou occasionnelles, surtout dans les régions où l’économie sociale était peu organisée en réseau. Dans le monde rural, les municipalités sont souvent très actives dans la mise en place et le soutien à des entreprises collectives. Dans plusieurs secteurs, dont l’habitation, les loisirs, la culture, les services de proximité, les services aux personnes et la gestion des matières résiduelles, les municipalités s’appuient sur les entreprises d’économie sociale pour répondre aux besoins de la collectivité. Dans les milieux urbains, ce n’est que par la mise en place de la Politique de la ville de Montréal en 2009, et la mise en place des Ententes prévues dans le Plan d’action gouvernemental pour l’entrepreneuriat collectif qu’un partenariat formel entre les autorités locales (grâce aux CRÉ) et les acteurs de l’économie sociale des diverses régions ont établi des relations formelles, entre autres pour la promotion et la consolidation de l’économie sociale. Dans la plupart des régions, ce partenariat est toujours dans sa phase initiale et beaucoup reste à faire pour le consolider. Mais déjà, ces partenariats ouvrent tout un chantier de travail pour développer dans chacune des régions des entreprises d’économie sociale en mesure de répondre aux besoins des citoyens de chacune des municipalités du Québec, que ce soit en environnement, en transport durable ou en services de proximité.

Article publié d’abord (en français et an anglais) dans la revue Développement Social, Volume 12, No. 2, Octobre 2011
http://www.revueds.ca/

Message de l’équipe éditoriale
La production de ce bulletin, en français, en anglais, en espagnol et en portugais, est réalisée de manière totalement bénévole.
Nous tenons à remercier les personnes bénévoles suivantes pour leur implication :
Michel Colin (Brésil)
Paula Garuz Naval (Irlande)
Évéline Poirier (Canada)
Brunilda Rafael (France)
De plus, nous désirons remercier le Policy Research Institute for the Civil Sector (PRICS) du Seikatsu Club au Japon pour la traduction vers le japonais.
Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca

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