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5/01/2010

Bulletin International de Développement Local Durable
Bulletin d’information #68
1ier Mai 2010


Message de l’équipe éditoriale


Le foncier, qu’il soit urbain ou rural est aujourd’hui traité comme une marchandise comme les autres qui suscite convoitise et spéculation. Sans parler des ressources qu’elles renferment en sous-sol, ou encore les cours d’eau. L’histoire de l’humanité est une longue suite de guerres et d’expropriations. Mais à l’époque moderne, la dépossession a pris une dimension particulièrement dramatique et injuste : le droit écrit est opposé aux cultures orales des peuples autochtones, utilisateurs immémoriaux de terres ancestrales, dans tous les continents.

Ainsi, partout, les populations luttent pour reconquérir leurs pleins droits d’usage et que justice soit rendue, au Canada, au Brésil, en Inde, en Tanzanie, comme ce Bulletin s’en est fait l’écho.

Par une autre voie, des réformes agraires - si difficiles à réaliser – sont en construction. Dans de nombreux pays, des mouvements citoyens mettent en place des mesures concrètes afin de soustraire le foncier à la spéculation. Par exemple, la fiducie foncière est un outil de plus en plus utilisé. Aux États-Unis d’Amérique et au Royaume Uni, les Community Land Trusts (CLT) sont des structures à but non lucratif. En devenant propriétaires, les CLT permettent de soustraire des terrains à la spéculation et de les rendre accessibles pour des logements à des prix abordables pour une population moins favorisée. Les CLT américaines n’ont pas été affectées du tout par la crise hypothécaire qui a éclaté en 2008 !

Plus récemment, un mouvement similaire de fiducie foncière pour des terres agricoles s’est développé en Europe et en Amérique du Nord. En particulier, l’association française Terre de liens déploie ses efforts afin de récupérer des terres agricoles soit de l’abandon, soit de la spéculation, pour y permettre l’installation d’agriculteurs qui pratiquent une agriculture bio et/ou de proximité.

Dans ce numéro, nous vous présentons un exemple concret, Echausses, qui illustre cette pratique innovante, totalement dans le sens du développement local durable. Nos remerciements au collectif d’Echausses pour sa contribution à ce bulletin.


Équipe éditoriale
Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut

L'association Terre de liens est née en France en 2003.

Ses missions sont de « concourir à la création d'activités rurales, écologiquement responsables et socialement solidaires, par l'accompagnement des porteurs de projets et l'acquisition collective de foncier agricole et de bâtis ; de sensibiliser la société civile et interpeller les acteurs politiques, syndicaux et associatifs afin de replacer la gestion foncière au cœur de leurs préoccupations ». Elle s’est inspirée de la banque verte néerlandaise « la Triodos Bank » qui a développé dès les années 80 un fonds vert pour investir et acheter des terres pour l'agriculture bio. Cette réflexion s'est développée dans les années 90, au sein de mouvements d’éducation populaire, de finance solidaire, de l’agriculture biologique et biodynamique et de protection de l’environnement.

Un des objectifs était d'inventer un outil qui permette d’aller plus loin que la solution des GFA (Groupements fonciers agricoles) ou des SCI (Sociétés civiles immobilières ) qui restent des structures fragiles dans le temps. Car si l'un des associés décide de se retirer, il met toute l'exploitation en péril.

Pour développer son action, l'association Terre de liens a mis en place deux outils : un outil d'investissement solidaire, la Foncière Terre de liens, qui collecte de l'épargne pour acquérir des terres agricoles et les louer à des agriculteurs, et un outil de don, la Fondation Terre de liens. Reconnue d'utilité publique, cette dernière pourra recueillir des dons de fermes et d'argent.
Terre Liens est aujourd'hui présente dans 15 régions.

L’exemple d’«Echausses» dans la région Languedoc-Roussillon.
Huit adultes de 28 à 40 ans, avec cinq enfants partageaient un projet collectif d’installation pluriactif et cherchaient un lieu. «Echausses» à Limoux paraissait un lieu idéal. Le patrimoine est composé de 7 ha de terres d’alluvions, 2 granges, un fenil, un fournil, 580 m2 habitables et 120 m2 à aménager. Il est situé à Limoux, dans le Sud du département de l’Aude aux confins des Pyrénées. Le poids financier et la volonté de pérenniser La fonction nourricière de la terre les ont fait pencher pour une collaboration avec la Foncière Terre de liens.

Le coût total de l'opération est de 520 000 €. Le prix des bâtiments d’habitation et le caractère mixte du projet déterminent le groupe à séparer :
- Les habitations : 310 000 € de bâtiments d’habitation, acquis par la SCI (Société Civile Immobilière) «Fermacultures» créée par les porteurs de projets.
- Les terres et bâtiments agricoles, acquis par la Foncière (150 000 € de terres et bâtiments agricoles; 60 000 € de travaux de toiture, maçonnerie, remise en état des terres en friche, etc., répartis en 16% porteurs de projets et 84% épargne locale et fonds non dédiés). Ce dispositif garantit la possibilité de loger sur place les agriculteurs reprenant l’usage des terres (à la retraite ou au départ des porteurs du projet).

Leur projet ? « De la diversité de nos métiers, de nos parcours et de nos quotidiens naissent et la richesse et la difficulté » écrivent-ils dans la fiche descriptive de leur projet.

« Un des enjeux était de trouver un agencement juridique reflétant l'exact état de notre avancement sur les questions d'argent, de solidarité et de répartition des pouvoirs : Travailler ensemble un jour par semaine et un week-end par mois pour bâtir du lien autour de la recherche d’une certaine autonomie (potager vivrier collectif, énergies renouvelables) et de la création d’une vie culturelle sur place (soirées projection, jeux, débats, concerts ...). Aménager et gérer ensemble des espaces communs selon un mode de décision au consensus, développer des activités professionnelles sur place, et « engagées ». Partager du matériel (agricole, ménager et d’atelier, biens culturels) et une part des revenus. Cultiver une communication franche et non-violente. Décroître matériellement pour croître humainement. Acheter en commun (bio et local) ce qui n’est pas produit »… Mais, s’acheminer pas à pas vers un idéal n’est pas un long fleuve tranquille : pour la SCI par exemple, la dissociation entre parts de capital et apports en comptes courants a permis de lisser les écarts de capital pour un partage des pouvoirs plus horizontal. L'élaboration du montage juridique s'est révélée tantôt un défi stimulant, tantôt un imbroglio décourageant, notamment en l'absence de réponses juridiques définitives et fiables en dépit des professionnels consultés.

Si les divers temps partagés nourrissent le lien entre les habitants, les activités économiques professionnelles et les habitats demeurent individuels. Par ailleurs, chacun développe son projet professionnel et personnel : Vincent met en place une production de légumes bio et Gaëtan de fruits bio, qui seront valorisés en vente directe (marchés et paniers). Les productions agricoles seront, tant que possible, menées en traction animale asine (ânes). En complément, Gaëtan garderait son activité de conseil en gestion forestière alternative. Lisbeth, sage-femme, a transféré sur le lieu son cabinet d’accompagnement global à la naissance (accouchements à domicile). Cécile projette un accueil de personnes âgées. Michaël, éducateur spécialisé, prévoit d’accueillir ponctuellement des personnes handicapées ou des jeunes en difficulté. Jocelyn, luthier et musicien, souhaite transférer son atelier à Echausses. Nina, enseignante, projette d’y créer des activités éducatives pour les jeunes enfants.

Le projet collectif agricole et culturel s'articule donc autour du choix de travailler ensemble un jour par semaine et un week-end par mois. Les réunions sur le fonds et l’organisation du projet sont régulières. Du matériel est partagé et les échanges sont quasi quotidiens. Les charges de fonctionnement (eau, électricité, gaz ...) sont réparties selon une clé de répartition définie ensemble et évolutive (selon les consommations estimées de chacun).

Les jalons du projet.

En avril 2009 la SCI est créée. Le lieu est acheté et en mai les pionniers s'installent (3 adultes) ! Début juillet, 5 adultes et 1 enfant vivent à Echausses et les travaux intérieurs de la SCI commencent. Dans l’été ils démêlent les clôtures sur les terres. Avec Moutsie de Nature & Progrès, ils font un inventaire botanique complet version bio-indicatrices. Une belle fête d'accueil, le 15 août, est suivie d'un chantier collectif très vivant qui permet d'entamer les travaux de rénovation des toitures de la SCI (400 m2) et de stabiliser le mur de soutènement du fournil.

Fin août, 7 adultes et 3 enfants vivent à Echausses et les travaux de toiture sur la SCI se poursuivent. Vincent achète deux beaux ânes croisés Pyrénéens-Portuguais (Ulis et Quetzal) qu'il commence à éduquer. Début septembre les 4 ha de SAU (Surface Agricole Utile) en friche (broyage lourd, ripper, chisel, herse) sont remis en état. Un pédologue (spécialiste du sol) orientation Hérody-biodynamie trouve que le travail est bien fait, le sol va mieux : les ligneux ne repartent pas, la terre revit (aération) et la végétation a beaucoup changé.

En automne, le collectif termine la réfection d’une bonne partie des toitures de la SCI. Lisbeth commence son activité de sage-femme à Echausses, Gaétan poursuit ses activités forestières et prépare l'installation de son verger, Josselin continue son atelier de lutherie et ses concerts occitans, Nina prépare son concours d'institutrice, Cécile travaille comme formatrice dans la région, Michael comme éducateur à Limoux, Vincent prépare son installation agricole. Les travaux intérieurs de la SCI (cloisons, planchers, électricité) se poursuivent dans l’hiver, ainsi que l'aménagement de l'atelier dans une des granges Terre de Liens. Vincent et Gaëtan avancent sur leurs dossiers d'installation maraîchage et arbo bios avec l'Adear 11 . Vincent continue l'éducation de ses ânes pour le travail du sol (ça commence à prendre !) et prépare sa première saison de production.

En mars 2010, 8 adultes de 28 à 40 ans et 5 enfants de 1 à 11 ans vivent à Echausses. Béatrice (compagne de Michael) s'est installée avec ses deux filles.

Et aujourd’hui ?

« Nous plantons des haies un peu partout ! Bois de chauffage, multiples petites tâches du quotidien et réunions gestion de la SCI ... Nous testons le puits (bon débit !) et commençons à installer l’irrigation et à acheter le matériel agricole. Vincent fait ses premiers semis après travail du sol et installe sa première serre (après quelques ennuis administratifs). Gaëtan commande ses plants fruitiers et ses piquets (dans une des forêts qu’il gère !), le potager collectif est mis en route ... Vive le soleil !
Dans un mois ... un an déjà ! il a bien fallu se rendre à l’évidence ... pas plus que le monde ne s’est fait en un jour, Echausses ne sera pas chaussé en un an ! La vie sur un lieu « Terre de Liens » ... le bonheur d’une belle aventure ! Merci à tous ceux qui nous ont soutenus de près ou de loin ».

Pour en savoir plus :
Terre de Liens, « Une richesse à cultiver » : http://www.terredeliens.org
mouvement@terredeliens.org
Terre de Liens en Languedoc-Roussillon : lr@terredeliens.org

Résumé Martine Theveniaut (à partir des documents transmis par le collectif d’Echausses).


Nos Bulletins sont disponibles sur le WEB :
http://developpementlocal.blogspot.com/
www.apreis.org/

Remerciements à nos traducteurs :
Évéline Poirier (Canada) et Judith Hitchman (France) pour l’anglais, Paula Garuz Rafael (Irlande) pour l’espagnol et Michel Colin (Brésil) pour le portugais.

Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca

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