6/04/2010
Bulletin International de Développement Local Durable
Bulletin d’information #69
1ier Juin 2010
Sommaire
Le concept de «Bien Vivre»
Vision en provenance de la Bolivie
Message de l’équipe éditoriale
Dans ce numéro, nous vous présentons un texte en provenance du gouvernement de la Bolivie. Il a été diffusé internationalement en avril par la délégation de la Bolivie à l’ONU.
Bien que plus long que les textes habituels, nous le reproduisons au complet car nous trouvons une grande similitude entre la vision de ce texte et ce que nous tentons de promouvoir dans notre bulletin depuis 2003.
De plus, comme les personnes qui lisent notre bulletin depuis longtemps peuvent le constater, cette vision de la «Terre Mère», et dirions-nous de la vie en général, est présente dans un peu partout sur la planète.
Comme souvent, la diversité culturelle des langues joue des tours. Martine fait remarquer qu’en français « explorer le moins, pourvu que ce soit mieux" est quelque chose de recevable et même de positif. C’est l’intérêt de ce bulletin que de paraître en 4 langues ! Bonne occasion de remercier ici chaleureusement nos auteures, nos traductrices et traducteurs.
Bonne lecture
Équipe éditoriale
Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut
LE CONCEPT DE « BIEN VIVRE »
Vision en provenance de la Bolivie
sur Bolivia UN.org @ http://www.boliviaun.org/cms/?page_id=621. Accessed 20.04.10
Vivre simplement, pour que simplement d'autres puissent vivre.
Mahatma Ghandi
Est riche non pas celui qui a plus, mais celui qui a besoin de moins
Proverbe zapotèque, Oaxaca, Méxique.
Nous subissons les effets néfastes du réchauffement climatique, des crises énergétiques, alimentaires et financières. Il ne s'agit pas là du résultat du comportement des hommes en général, mais de ce système capitaliste inhumain et de son développement industriel sans limites. Il est mené par une petite minorité qui contrôle le monde, cumulant richesse et pouvoir pour eux seuls.
La concentration du capital entre les mains de quelques uns n'est pas une solution pour l'humanité, ni pour la vie elle-même, parce que la conséquence en est tant de vies perdues par les inondations,
par les guerres, tant de vies perdues par la faim, la pauvreté et par des maladies banales faute de soins.
C'est la source d'égoïsme, d'individualisme, et même de régionalisme, de cette soif du profit, cette quête des plaisirs et du luxe, en ne pensant qu'au profit, sans jamais se soucier de solidarité entre les hommes sur terre. L'effet ne se limite pas aux hommes, mais également à la nature et la planète. Et quand les peuples s'organisent et se lèvent contre l'oppression, cette minorité fait appel à la violence, aux armes et à l'intervention militaire d'autres pays.
Bien vivre, pas mieux.
Face à la disproportion et à la concentration des richesses dans le monde, face à tant de guerres et de famines, la Bolivie propose le concept du Bien Vivre, non comme un moyen de mieux vivre aux dépends des autres, mais une idée de Bien Vivre basée sur l'expérience de nos peuples. Selon le président bolivien Evo Morales Ayma, Bien Vivre c'est vivre au sein d'une communauté, d'une fraternité, se compléter sans exploitants ni exploités, sans exclus ni ceux qui excluent, sans des gens subissant la ségrégation ni ségrégationnistes.
Mentir, voler, détruire la nature nous permettraient probablement de vivre mieux, mais ceci n'est en rien Bien Vivre. Bien au contraire, car Bien Vivre signifie se compléter les uns les autres, et non être en compétition les uns contre les autres, c'est partager et non profiter de son voisin, c'est vivre en harmonie parmi les gens et avec la nature. C'est là le fondement de défense de la nature, de la vie elle-même et de l'humanité entière, c'est là le fondement pour sauver l'humanité des dangers d'une minorité individualistes, agressive, raciste et belliciste.
Bien Vivre n'est pas la même chose que vivre mieux, mieux que les autres, puisque, pour vivre mieux que les autres, il est indispensable d'exploiter, de se lancer dans une vraie compétition, et de concentrer la richesse dans les mains de quelques uns. Tenter de vivre mieux est un acte d'égoïsme, un preuve d'apathie, d'individualisme. Certains veulent vivre mieux pendant que d'autres, la majorité, continuent a vivre pauvrement. Ne pas s'intéresser à la vie des autres c'est ne se soucier que que sa propre vie, et, au mieux, de celles de sa famille proche.
Une autre vision de la vie se présente: Bien Vivre est tout le contraire du luxe, de l'opulence et du gaspillage, c'est tout le contraire du consumérisme. Dans certains pays du Nord, dans les grandes métropoles, il y a des gens qui achètent des vêtements qu'ils jètent après les avoir mis une seule fois seulement. Ce manque d'attention envers les autres mène à l'apparition des oligarchies, des classes de nobles, d'aristocrates, et d'élite qui cherchent toujours à vivre mieux aux dépens des autres.
Personne ne dit: Je ne m'occuperai que de moi-même.
Dans le cadre de Bien Vivre, ce qui compte le plus c'est la communauté, où les familles vivent ensemble. Nous faisons partie intégrante de la communauté comme les feuilles font partie intégrante de la plante. Personne ne dit: je ne m'intéresse qu'à moi-même, je n'en ai rien à faire de ma communauté. C'est aussi absurde que la feuille qui dirait à la plante: je n'ai rien à faire de toi, il n'y a que ma propre personne qui m'intéresse. Nous sommes tous valeureux, nous avons tous des devoirs et des responsabilités. Nous avons tous besoin de tous les autres. En se basant sur la complémentarité entre les uns les autres, sur le bien commun, l'entraide mutuelle et organisée, la communauté et la vie en communauté se développent sans détruire l'homme et la nature.
Le travail c'est le bonheur.
Ne pas travailler et exploiter ses voisins peut nous mener à mieux vivre, mais ce n'est pas Bien Vivre. Dans le cadre du Bien Vivre, le travail c'est le bonheur. Le travail c'est apprendre à grandir, se fondre dans l'extraordinaire reproduction de la vie. C'est un acte physiologique tel que respirer ou marcher. Dans le cadre du Bien Vivre le travail est un entité générale, pour tout et tout le monde, de l'enfant au grand père. Il est pour les hommes, les femmes, et pour la nature elle-même. Parmi nous, personne ne vivra pour profiter du travail des autres. L'accumulation privée sera inconnue et inutile. Ce que la communauté produira suffira pour remplir les greniers.
Dans nos communautés nous ne cherchons pas, nous ne voulons pas que certains vivent mieux, comme nous le répètent les programmes pour le développement qui sont implantés auprès des Etats et des gouvernements, en commençant par l'église qui nous a toujours poussé à vivre mieux.
Le développement implique des besoins indéfiniment croissants en énergie, surtout le pétrole. On a voulu nous faire croire que le développement était le salut de l'humanité, et qu'il nous aiderait à vivre mieux, mais il n'y a pas de développement sans pétrole. Et pour nous, avec ou sans pétrole, le développement qu'il soit durable ou non durable est de l'anti-développement, qui est la cause de grandes disparités dans la nature et entre les hommes.
Le développement peut devenir un désastre.
Ainsi, le Bien Vivre est à l'opposé du développement capitaliste et va bien au delà du socialisme. Pour le capitalisme, ce qui compte le plus c'est l'argent, faire du profit. Pour le socialisme, ce qui compte le plus c'est l'homme, parce que le socialisme tente de répondre aux besoins croissants de l'homme, sur le plan matériel et spirituel.
Dans le cadre du Bien Vivre, ce qui compte le plus ce n'est ni l'argent ni l'homme, ce qui compte le plus c'est la vie. Mais le capitalisme ne se soucie guère de la vie, et les deux modèles de développement, le capitalisme et le socialisme, exigent une croissance économique rapide, menant au gaspillage de l'énergie et à l'usage illimité des énergies fossiles pour doper cette croissance.
C'est pour cela que le développement s'est avéré être un échec, la preuve en est la crise écologique et les effets sévères du réchauffement climatique. Il est aujourd'hui la première cause de la crise mondiale et le destructeur de la planète Terre, à cause de l'industrialisation exagérée de certains pays, du consumérisme excessif et de l'exploitation irresponsable de l'homme et des ressources naturelles.
Le modèle de civilisation occidentale d'industrialisation et de consumérisme menace la nature ainsi que la subsistance même de la planète, à un tel degré qu'il ne faut surtout pas l'étendre au restant de l'humanité, parce que les ressources naturelles ne seront jamais suffisantes pour nous tous, ni renouvelables à la même vitesse où elles sont épuisées.
Bien Vivre au sein de la Crise mondiale.
Les crises les plus importantes sont:
Le réchauffement climatique à croissance exponentielle dû à l'homme et qui touche toutes les régions de la terre.
La crise de l'eau, où l'urbanisation, l'industrialisation et l'usage intensif de l'énergie baissent le niveau les ressources souterraines en eau.
La crise de la production alimentaire due à l'impacte du réchauffement climatique et de la production croissante des biocarburants.
La fin imminente de l'ère de l'énergie bon marché (nous atteindrons bientôt le pic pétrolier). Dans une centaine d'années nous aurons épuisé toute l'énergie fossile accumulée pendant des millions d'années, ce qui nous mènera vers des changements drastiques dans tous les scénarios concernant le futur fonctionnement des sociétés.
Le déclin significatif d'autres ressources clés pour la production industrielle et pour le bien être de l'homme, comme l'eau, la diversité des ressources génétiques, les forêts, les mers et la vie sauvage, les sols fertiles, les récifs coralliens ainsi que la plupart des éléments locaux, régionaux et mondiaux qui appartiennent à tout le monde.
Si elles ne sont pas renversées, la combinaison de ces tendances accentuera les effets des crises environnementale et sociale pour atteindre des niveaux records, tout en causant l'écroulement des structures économiques et opérationnelles les plus basiques de notre société.
Au tournant d'un changement catastrophique.
Le chaos et le réchauffement climatiques menacent de perte les terres les plus fertiles, les soulèvements géologiques causés par les tempêtes et la montée des eaux, la désertification d'un grand nombre de terres agricoles, la tragédie économique et sociale qui va se pérenniser dans le futur, avec de graves problèmes dans la plupart des nations et peuples appauvris.
Sans source d'énergie alternative pour remplacer les quantités habituelles de pétrole et de gaz bon marché (ainsi que des récentes preuves alarmantes quant aux limites du charbon accessible), le Pic Pétrolier menace la survie à long terme des pays industrialisés voire l'industrialisme tout court à son échelle actuelle. Le transport longue distance, les systèmes alimentaires industriels, les systèmes urbains et suburbains complexes et un grand nombre de commodités de base de notre mode de vie actuel – les voitures, les objets en plastique, les produits chimiques, les pesticides, la réfrigération, etc – sont enracinés dans le mythe d'une source d'énergie bon marché croissante et infinie.
D'autres ressources – l'eau potable, les forêts, les terres agricoles, la biodiversité sur tous les plans, connaissent une décroissance importante due à la surexploitation par les pays industrialisés qui consomment tous les ans 30% de ressources en plus de la capacité de la Terre à se régénérer, rendant les conditions de survie des hommes et des espèces bien plus difficiles qu'elles ne l'ont jamais été dans l'histoire de l'humanité. Nous nous trouvons également face à l'extinction probable de 50% des espèces de la faune et la flore mondiales dans les dix ans à venir.
Les systèmes écologiques, économiques et sociaux de la planète sont au tournant d'un changement catastrophique, avec très peu de sociétés préparées pour un tel changement. Les efforts des gouvernements pour répondre à l'urgence à venir sont parfaitement inadaptés. Quant aux efforts fournis par les grandes entreprises et les industries pour réformer leurs comportements, ils restent largement confinés dans des limites structurelles qui privilégient la croissance et le profit par dessus toute autre norme de performance.
Le Bien Vivre contre la crise mondiale.
Dans cette crise mondiale, tous les problèmes ont la même base structurelle et pourraient être réglés par les mêmes changements structurels. La solution pour chacun c'est la solution pour tous. Tous les nouveaux modèles doivent partir de l'idée qu'il y a des limites réels à la capacité de la Terre à nous supporter. Et c'est dans ces limites que les sociétés doivent élaborer les nouvelles normes d'une économie d'autosuffisance universelle et une conception du Bien Vivre qui ne dépend pas de l'usage excessif des ressources de la planète.
L'élaboration d'une vision du Bien Vivre pour contrecarrer la crise mondiale dans cette ère de chaos climatique et de ressources décroissantes de notre planète finie implique l'arrêt du consumérisme, du gaspillage et du luxe, pour ne consommer que le nécessaire, et pour atteindre une « baisse de régime » des niveaux de production, de consommation et d'un usage de l'énergie selon les capacités environnementales de la Terre.
Cela signifie également l'arrêt du gaspillage d'énergie, c'est à dire le retrait effectif de tous les systèmes énergétiques basés sur le charbon, et le refus des soit disants systèmes d'énergie « alternatives » mis en place pour prolonger la croissance du système industriel. Cela englobe l'énergie nucléaire, le charbon dit « propre », les biocarburants à échelle industrielle, et la combustion de matériaux douteux et autre déchets municipaux, entre autres.
Autre action d'égale importance serait le développement des habitudes de conservation et de rendements d'énergie, c'est à dire la modération des besoins énergétiques, la baisse de la consommation personnelle dans les pays où elle a été excessive, et la réorientation des règles de l'activité économique – le commerce, l'investissement, les normes. Il est également important de modifier toutes les activités de base de la société qui se rapportent à ces normes (le transport, la manufacture, l'agriculture, l'énergie, les projets de construction, etc.). Notre dépendance actuelle de la production axée sur l'export, le nombre impressionnant des transports de longue distance, l'usage croissant des ressources et des marchés mondiaux ne peuvent être maintenus durablement sur une planète finie.
Une production locale pour une consommation locale.
Afin de nous adapter à la réalité de l'ère post-carbone, nous allons devoir satisfaire nos besoins fondamentaux comme l'alimentation, le logement, la production d'énergie, avec des systèmes et des ressources locaux. Cela se traduit par l'encouragement de l'auto-suffisance économique au niveau régional, la localisation économique et la souveraineté communautaire, la production locale pour la consommation locale, les industries locales utilisant la main d'oeuvre et les matériaux locaux.
C'est ainsi que Bien Vivre signifie d'abord la réorganisation des environnements urbains et ruraux, la restitution des biens communs régionaux et nationaux, et la rapide transition vers les énergies renouvelables à petite échelle qui doivent être orientées vers un usage local et appartenir aux communautés locales, sans affecter l'équilibre naturel, en utilisant le l'énergie éolienne, solaire, l'énergie de l'eau et des vagues à petite échelle, ainsi que les biocarburants locaux.
Bien Vivre signifie également la promotion d'une reconstruction structurée des zones rurales et la revitalisation des communautés par une réforme agraire, l'éducation et la mise en place de micro agriculture écologique, basée sur les pratiques culturelle et locale, la richesse de nos communautés étant les terres fertiles, un sol et un air propres. Toutes ces approches sont une préparation à l'inévitable désindustrialisation de l'agriculture suite au déclin des énergies bon marché.
En plus Bien Vivre signifie également réaffecter les milliards de millions destinés à la guerre afin de soigner la Terre de ses blessures environnementales.
Moins voudra dire plus.
Notre idée du Bien Vivre met en valeur l'harmonie entre les hommes et avec la nature, et fait de la préservation du « capital nature » une priorité absolue. Il est reconnu que la protection et la préservation de l'équilibre dans la nature, avec tous les êtres vivants est une urgence et requiert notre intervention, et que la nature doit survivre sur cette Terre dans les meilleurs conditions possibles.
Bien Vivre implique aussi de débrancher la télévision et Internet pour se connecter à la communauté. Cela voudra dire que chacun aura quatre heures de plus par jour à passer avec sa famille, ses amis et dans la communauté, il s'agit des quatre heures par jour passées en moyenne devant la télévision surchargée d'images concernant toutes ces choses qu'on veut nous faire acheter. Passer du temps à des activités au sein d'une communauté fraternelle renforce cette dernière et en fait la source d'un réel soutient social et logistique, une source de plus de sécurité et de bonheur.
Pour les sociétés qui ont adopté ces images de « bonne vie » véhiculée par les médias, cette « bonne vie » est basée sur l'hyper consommation des biens et des marchandises, alors que les nouveaux styles de vie pour une moindre consommation des ressources, en accumulant moins, et en vivant selon un modèle de vie plus modeste, sont tous des arguments pour un plus grand épanouissement personnel.
Conduire moins et marcher plus est bon pour l'environnement, pour la planète et pour notre santé. Acheter moins c'est moins de pollution, moins de déchets, et moins de temps à travailler pour consommer. Moins de stress, plus de temps pour la famille, les amis, la nature, la créativité, les loisirs que les gens avaient oubliés de nos jours.
Dans les sociétés basées sur la sur-consommation, moins voudra vraiment dire plus. Le respect des règles du Bien Vivre apporte la suffisance en matière d'alimentation, d'habitation, d'habillement, de santé, l'engagement au sein de la communauté, la sécurité de la famille, et des vies qui ont un sens. Sans oublier l'accès à un monde naturel épanoui.
Nous faisons partie de la nature.
Dans ce contexte, Bien Vivre veut dire être dans une société souveraine en harmonie avec la nature, où nous pouvons travailler ensemble pour nos familles et pour la société, en partageant, en chantant, en dansant, et en produisant pour la communauté. Cela implique une vie modeste qui réduit nos habitudes de consommation tout en maintenant une production équilibrée.
Au lieu d'épuiser la Terre, et par là même la nature puis se retrouver dans 30 ou 50 ans devant la fin du gaz, du pétrole, du fer, de l'étain, du lithium et de toutes les autres ressources naturelles non renouvelables exigées par le mieux vivre, le concept du Bien Vivre garanti quant à lui la vie pour nos enfants, pour leurs propres enfants, et pour tous ceux qui viendront après eux, il sauvera la planète par l'utilisation de nos pierres, notre quinoa, nos pommes de terre, notre manioc, nos haricots, nos fèves et notre maïs, notre acajou, notre coco et notre coca.
Pendant le processus de mise en place du Bien Vivre, notre richesse économique et spirituelle est étroitement liée au respect de la Terre, et à l'usage respectueux de ce qu'elle nous donne. L'unique alternative pour le monde en ce temps de crise, la seule solution pour la crise écologique, c'est que l'homme admette que nous faisons partie de la Nature, et qu'il nous faut désormais restaurer cette complémentarité, cette relation de respect mutuel et d'harmonie avec elle.
Faire renaître l'énergie de la communauté par la créativité et l'action collective
Pour cette expérience nouvelle face à une crise mondiale, pour que cette nouvelle expérience du Bien Vivre soit une réussite, il va être nécessaire d'encourager les actions locales et internationales. Nous devrons suivre l'exemple de millions de personnes sur cette Terre qui n'attendent pas la légitimation de la crise mondiale, nous devrons suivre l'exemple des innombrables personnes et communautés à travers la planète qui, avec plein de créativité, d'enthousiasme, et de solidarité, sont déjà en train de tester activement toutes sortes de pratiques alternatives locales, sur le plan communale et régional, des des environnements ruraux ou urbains.
Avec l'aide de ces initiatives au sein de nos communautés, et avec l'aide des gouvernements qui soutiennent le principe du Bien Vivre, avec une large association des forces et mouvements sociaux, nous devons réveiller l'énergie de la communauté, faire renaître l'énergie dans nos communautés, qui constitue notre principale force pour transformer la société et construire notre vision du Bien Vivre. Nous devons suivre l'exemple de ces gens et de ces communautés en entreprenant la construction de nos propres communautés et de nos pays par NOUS-MEME, avec nos propres mains, nos propres coeurs, et nos propres têtes, en commençant par la construction d'une existence du Bien Vivre dans les limites de la nature. Nous ne pouvons dépendre uniquement des gouvernements et des organismes internationaux pour résoudre nos problèmes.
Baisse de régime.
Par nos propres initiatives au sein des communautés, et avec l'aide de nos gouvernements, retournons vers le mode de vie harmonieux de nos ancêtres, et renforçons notre propre mode de vie, l'identité et la spiritualité dans nos communautés. Commençons à organiser notre vie productive commune à la campagne et dans notre entourage, faisant en sorte de l'éducation fonctionne ainsi que la communication et la santé, construisons nos écoles et nos routes, faisons disparaître les questions de terre et de territoire, d'eau, de forêts, etc.
Construisons une vision du Bien Vivre et la souveraineté de nos communauté dans un équilibre entre l'homme et la nature, et nous pouvons recréer nos liens, dans le respect du droit de chacun à être consulté lorsqu'il s'agit de l'élaboration de nos propres décisions, du choix des autorités, avec pour base notre connaissance de nous-mêmes, et notre conscience de la responsabilité qui en découle.
Pour commencer à appliquer cette baisse de régime, nous pouvons réduire nos besoins en énergie: en conduisant moins, en prenant moins l'avion, en éteignant les lumières, en achetant des produits alimentaires de saison (les produits alimentaires on besoin d'énergie pour pousser, être emballés, stockés et ensuite transportés), en enfilant un pull au lieu de mettre en route le chauffage, en utilisant un fil à linge plutôt que le sèche-linge, en partant en vacances plus près de chez soi, en achetant des produits d'occasion ou en les empruntant avant d'en acheter des neufs, en recyclant.
Nous pouvons également développer une culture zéro déchets à la maison, au travail, à l'église, dans toute la communauté. Cela implique la mise en place de nouvelles habitudes, comme utiliser les deux côtés du papier, de transporter en permanence sa propre tasse et sacs de courses, faire du compost avec les restes alimentaires, éviter l'eau en bouteille, et autres produits sur-emballés, réparer, repriser plutôt que de remplacer.
Notre santé, l'éducation et la communication.
Par nos propres initiatives au sein des communautés, et avec l'aide de nos gouvernements qui soutiennent la vision du Bien Vivre, commençons à diriger notre propre système de santé en nous inspirant de ce qui nous a toujours gardé en bonne santé, où la santé de la communauté est aussi importante de celle de nos corps, et où la nourriture abondante et sans produits chimiques est notre seul médicament. Face au développement des produits de plus en plus manipulés, remettons sur pieds une production alimentaire locale. Prévenons les maladies au lieu de chercher des médicaments pour les soigner, et servons-nous de notre propre médecine naturelle qui ne soigne pas une maladie pour en causer une autre.
Mettons en place notre système éducatif, ou plutôt notre système communicatif, en enseignant nos enfants de la manière que nous leur avons toujours enseigné par les pratiques et les responsabilités, c'est à dire par l'apprentissage communautaire à travers lequel nous créons l'énergie communautaire et nous apprenons que nous ne pouvons pas vivre en dehors de la communauté. Plutôt que l'éducation, rétablissons la communication, renforçons la véritable communication entre père et fils, entre élèves et enseignants.
Protégeons nos propres semences.
Protégeons les femmes, les défenderesses traditionnelles des semences et de la sécurité alimentaire, garantes de la diversité naturelle et de la nourriture locale de qualité, dont la vie tourne autour de la fertilité, des enfants, de la campagne, des semences, de l'eau, des arbres, et des autres ressources, les femmes dont les pratiques agricoles au sein de nos communautés font partie de la vie communautaire en harmonie avec la nature.
On ne résout pas le problème de la faim dans le monde avec des semences Teminator issues de l'industrie agricole, mais en retrouvant et en protégeant nos riches semences anciennes, en les stockant et en luttant contre leur usurpation par des multinationales qui se protègent en imposant la propriété intellectuelle, les brevets et l'usage des semences transgéniques arguant une soit disant plus forte productivité.
Protégeons la vie des communautés indigènes, qui favorise le cycle des semences nous libérant ainsi du besoin de les importer. Allons vers une production à petite échelle, qui va protéger les ressources naturelles pour les générations présentes et futures, et nous donner à nous tous des une nourriture saine et variée.
Construisons une vision du Bien Vivre, en reprenant nos propres technologies, plus adaptées, qui ne coutent pas chère et qui peuvent être dirigées par la communauté, dirigeant et contrôlant, se servant de nos propre fonds de nos économies et nos coopératives. Nous pouvons nous auto-entrainer, et s'améliorer en rassemblant les chercheurs et les professionnels qui ont un regard de sympathie, de soutient et de respect sur le processus de réorganisation des communautés et des peuples.
Pour renforcer le processus
Bien Vivre c'est redonner la fertilité à la planète, qui se trouve aujourd'hui dans les mains de multinationales stériles, veiller au reboisement du monde, vivre une vie modeste près de la terre dans des communautés ou des petites fermes familiales, celles qui ont su préserver les arbres et la diversité harmonieuse des espèces, qui ont plus d'eau à leur disposition et qui survivent mieux.
En réveillant des valeurs éthiques et morales de nos peuples et de nos cultures, nous pouvons faire de ce nouveau millénaire un millénaire de vie et non de guerre, un millénaire pour Bien Vivre, pour l'équilibre et la complémentarité. Ensemble nous pouvons construire une culture de patience, une culture de dialogue et surtout une Culture de la Vie, un style de vie qui ne repose pas sur une consommation excessive et sur une énergie non renouvelable émettrice de gaz à effets de serre, mais sur une relation harmonieuse entre l'homme et la nature.
Afin de renforcer le processus qui nous mènera vers le Bien Vivre, nous encourageons une discussion et un débat sur tous les aspects de cette proposition, pour atteindre une approche commune qui mène au changement fondamental dans le fonctionnement des sociétés, dans nos modes de vie, en tant que communautés, que familles, qu'individus.
Nos Bulletins sont disponibles sur le WEB :
http://developpementlocal.blogspot.com/
www.apreis.org/
Remerciements à nos traducteurs :
Judith Hitchman (France) pour l’anglais (message éditorial)
Paula Garuz Rafael (Irlande). Tatiana Castilla et Karol Bailey (Bolivie) pour l’espagnol
Michel Colin (Brésil) pour le portugais
Jinane Prestat (France) pour le français
Nous contacter (pour informations, nouveaux abonnements ou désabonnements)
Yvon Poirier ypoirier@videotron.ca
Bulletin d’information #69
1ier Juin 2010
Sommaire
Le concept de «Bien Vivre»
Vision en provenance de la Bolivie
Message de l’équipe éditoriale
Dans ce numéro, nous vous présentons un texte en provenance du gouvernement de la Bolivie. Il a été diffusé internationalement en avril par la délégation de la Bolivie à l’ONU.
Bien que plus long que les textes habituels, nous le reproduisons au complet car nous trouvons une grande similitude entre la vision de ce texte et ce que nous tentons de promouvoir dans notre bulletin depuis 2003.
De plus, comme les personnes qui lisent notre bulletin depuis longtemps peuvent le constater, cette vision de la «Terre Mère», et dirions-nous de la vie en général, est présente dans un peu partout sur la planète.
Comme souvent, la diversité culturelle des langues joue des tours. Martine fait remarquer qu’en français « explorer le moins, pourvu que ce soit mieux" est quelque chose de recevable et même de positif. C’est l’intérêt de ce bulletin que de paraître en 4 langues ! Bonne occasion de remercier ici chaleureusement nos auteures, nos traductrices et traducteurs.
Bonne lecture
Équipe éditoriale
Judith Hitchman
Yvon Poirier
Martine Theveniaut
LE CONCEPT DE « BIEN VIVRE »
Vision en provenance de la Bolivie
sur Bolivia UN.org @ http://www.boliviaun.org/cms/?page_id=621. Accessed 20.04.10
Vivre simplement, pour que simplement d'autres puissent vivre.
Mahatma Ghandi
Est riche non pas celui qui a plus, mais celui qui a besoin de moins
Proverbe zapotèque, Oaxaca, Méxique.
Nous subissons les effets néfastes du réchauffement climatique, des crises énergétiques, alimentaires et financières. Il ne s'agit pas là du résultat du comportement des hommes en général, mais de ce système capitaliste inhumain et de son développement industriel sans limites. Il est mené par une petite minorité qui contrôle le monde, cumulant richesse et pouvoir pour eux seuls.
La concentration du capital entre les mains de quelques uns n'est pas une solution pour l'humanité, ni pour la vie elle-même, parce que la conséquence en est tant de vies perdues par les inondations,
par les guerres, tant de vies perdues par la faim, la pauvreté et par des maladies banales faute de soins.
C'est la source d'égoïsme, d'individualisme, et même de régionalisme, de cette soif du profit, cette quête des plaisirs et du luxe, en ne pensant qu'au profit, sans jamais se soucier de solidarité entre les hommes sur terre. L'effet ne se limite pas aux hommes, mais également à la nature et la planète. Et quand les peuples s'organisent et se lèvent contre l'oppression, cette minorité fait appel à la violence, aux armes et à l'intervention militaire d'autres pays.
Bien vivre, pas mieux.
Face à la disproportion et à la concentration des richesses dans le monde, face à tant de guerres et de famines, la Bolivie propose le concept du Bien Vivre, non comme un moyen de mieux vivre aux dépends des autres, mais une idée de Bien Vivre basée sur l'expérience de nos peuples. Selon le président bolivien Evo Morales Ayma, Bien Vivre c'est vivre au sein d'une communauté, d'une fraternité, se compléter sans exploitants ni exploités, sans exclus ni ceux qui excluent, sans des gens subissant la ségrégation ni ségrégationnistes.
Mentir, voler, détruire la nature nous permettraient probablement de vivre mieux, mais ceci n'est en rien Bien Vivre. Bien au contraire, car Bien Vivre signifie se compléter les uns les autres, et non être en compétition les uns contre les autres, c'est partager et non profiter de son voisin, c'est vivre en harmonie parmi les gens et avec la nature. C'est là le fondement de défense de la nature, de la vie elle-même et de l'humanité entière, c'est là le fondement pour sauver l'humanité des dangers d'une minorité individualistes, agressive, raciste et belliciste.
Bien Vivre n'est pas la même chose que vivre mieux, mieux que les autres, puisque, pour vivre mieux que les autres, il est indispensable d'exploiter, de se lancer dans une vraie compétition, et de concentrer la richesse dans les mains de quelques uns. Tenter de vivre mieux est un acte d'égoïsme, un preuve d'apathie, d'individualisme. Certains veulent vivre mieux pendant que d'autres, la majorité, continuent a vivre pauvrement. Ne pas s'intéresser à la vie des autres c'est ne se soucier que que sa propre vie, et, au mieux, de celles de sa famille proche.
Une autre vision de la vie se présente: Bien Vivre est tout le contraire du luxe, de l'opulence et du gaspillage, c'est tout le contraire du consumérisme. Dans certains pays du Nord, dans les grandes métropoles, il y a des gens qui achètent des vêtements qu'ils jètent après les avoir mis une seule fois seulement. Ce manque d'attention envers les autres mène à l'apparition des oligarchies, des classes de nobles, d'aristocrates, et d'élite qui cherchent toujours à vivre mieux aux dépens des autres.
Personne ne dit: Je ne m'occuperai que de moi-même.
Dans le cadre de Bien Vivre, ce qui compte le plus c'est la communauté, où les familles vivent ensemble. Nous faisons partie intégrante de la communauté comme les feuilles font partie intégrante de la plante. Personne ne dit: je ne m'intéresse qu'à moi-même, je n'en ai rien à faire de ma communauté. C'est aussi absurde que la feuille qui dirait à la plante: je n'ai rien à faire de toi, il n'y a que ma propre personne qui m'intéresse. Nous sommes tous valeureux, nous avons tous des devoirs et des responsabilités. Nous avons tous besoin de tous les autres. En se basant sur la complémentarité entre les uns les autres, sur le bien commun, l'entraide mutuelle et organisée, la communauté et la vie en communauté se développent sans détruire l'homme et la nature.
Le travail c'est le bonheur.
Ne pas travailler et exploiter ses voisins peut nous mener à mieux vivre, mais ce n'est pas Bien Vivre. Dans le cadre du Bien Vivre, le travail c'est le bonheur. Le travail c'est apprendre à grandir, se fondre dans l'extraordinaire reproduction de la vie. C'est un acte physiologique tel que respirer ou marcher. Dans le cadre du Bien Vivre le travail est un entité générale, pour tout et tout le monde, de l'enfant au grand père. Il est pour les hommes, les femmes, et pour la nature elle-même. Parmi nous, personne ne vivra pour profiter du travail des autres. L'accumulation privée sera inconnue et inutile. Ce que la communauté produira suffira pour remplir les greniers.
Dans nos communautés nous ne cherchons pas, nous ne voulons pas que certains vivent mieux, comme nous le répètent les programmes pour le développement qui sont implantés auprès des Etats et des gouvernements, en commençant par l'église qui nous a toujours poussé à vivre mieux.
Le développement implique des besoins indéfiniment croissants en énergie, surtout le pétrole. On a voulu nous faire croire que le développement était le salut de l'humanité, et qu'il nous aiderait à vivre mieux, mais il n'y a pas de développement sans pétrole. Et pour nous, avec ou sans pétrole, le développement qu'il soit durable ou non durable est de l'anti-développement, qui est la cause de grandes disparités dans la nature et entre les hommes.
Le développement peut devenir un désastre.
Ainsi, le Bien Vivre est à l'opposé du développement capitaliste et va bien au delà du socialisme. Pour le capitalisme, ce qui compte le plus c'est l'argent, faire du profit. Pour le socialisme, ce qui compte le plus c'est l'homme, parce que le socialisme tente de répondre aux besoins croissants de l'homme, sur le plan matériel et spirituel.
Dans le cadre du Bien Vivre, ce qui compte le plus ce n'est ni l'argent ni l'homme, ce qui compte le plus c'est la vie. Mais le capitalisme ne se soucie guère de la vie, et les deux modèles de développement, le capitalisme et le socialisme, exigent une croissance économique rapide, menant au gaspillage de l'énergie et à l'usage illimité des énergies fossiles pour doper cette croissance.
C'est pour cela que le développement s'est avéré être un échec, la preuve en est la crise écologique et les effets sévères du réchauffement climatique. Il est aujourd'hui la première cause de la crise mondiale et le destructeur de la planète Terre, à cause de l'industrialisation exagérée de certains pays, du consumérisme excessif et de l'exploitation irresponsable de l'homme et des ressources naturelles.
Le modèle de civilisation occidentale d'industrialisation et de consumérisme menace la nature ainsi que la subsistance même de la planète, à un tel degré qu'il ne faut surtout pas l'étendre au restant de l'humanité, parce que les ressources naturelles ne seront jamais suffisantes pour nous tous, ni renouvelables à la même vitesse où elles sont épuisées.
Bien Vivre au sein de la Crise mondiale.
Les crises les plus importantes sont:
Le réchauffement climatique à croissance exponentielle dû à l'homme et qui touche toutes les régions de la terre.
La crise de l'eau, où l'urbanisation, l'industrialisation et l'usage intensif de l'énergie baissent le niveau les ressources souterraines en eau.
La crise de la production alimentaire due à l'impacte du réchauffement climatique et de la production croissante des biocarburants.
La fin imminente de l'ère de l'énergie bon marché (nous atteindrons bientôt le pic pétrolier). Dans une centaine d'années nous aurons épuisé toute l'énergie fossile accumulée pendant des millions d'années, ce qui nous mènera vers des changements drastiques dans tous les scénarios concernant le futur fonctionnement des sociétés.
Le déclin significatif d'autres ressources clés pour la production industrielle et pour le bien être de l'homme, comme l'eau, la diversité des ressources génétiques, les forêts, les mers et la vie sauvage, les sols fertiles, les récifs coralliens ainsi que la plupart des éléments locaux, régionaux et mondiaux qui appartiennent à tout le monde.
Si elles ne sont pas renversées, la combinaison de ces tendances accentuera les effets des crises environnementale et sociale pour atteindre des niveaux records, tout en causant l'écroulement des structures économiques et opérationnelles les plus basiques de notre société.
Au tournant d'un changement catastrophique.
Le chaos et le réchauffement climatiques menacent de perte les terres les plus fertiles, les soulèvements géologiques causés par les tempêtes et la montée des eaux, la désertification d'un grand nombre de terres agricoles, la tragédie économique et sociale qui va se pérenniser dans le futur, avec de graves problèmes dans la plupart des nations et peuples appauvris.
Sans source d'énergie alternative pour remplacer les quantités habituelles de pétrole et de gaz bon marché (ainsi que des récentes preuves alarmantes quant aux limites du charbon accessible), le Pic Pétrolier menace la survie à long terme des pays industrialisés voire l'industrialisme tout court à son échelle actuelle. Le transport longue distance, les systèmes alimentaires industriels, les systèmes urbains et suburbains complexes et un grand nombre de commodités de base de notre mode de vie actuel – les voitures, les objets en plastique, les produits chimiques, les pesticides, la réfrigération, etc – sont enracinés dans le mythe d'une source d'énergie bon marché croissante et infinie.
D'autres ressources – l'eau potable, les forêts, les terres agricoles, la biodiversité sur tous les plans, connaissent une décroissance importante due à la surexploitation par les pays industrialisés qui consomment tous les ans 30% de ressources en plus de la capacité de la Terre à se régénérer, rendant les conditions de survie des hommes et des espèces bien plus difficiles qu'elles ne l'ont jamais été dans l'histoire de l'humanité. Nous nous trouvons également face à l'extinction probable de 50% des espèces de la faune et la flore mondiales dans les dix ans à venir.
Les systèmes écologiques, économiques et sociaux de la planète sont au tournant d'un changement catastrophique, avec très peu de sociétés préparées pour un tel changement. Les efforts des gouvernements pour répondre à l'urgence à venir sont parfaitement inadaptés. Quant aux efforts fournis par les grandes entreprises et les industries pour réformer leurs comportements, ils restent largement confinés dans des limites structurelles qui privilégient la croissance et le profit par dessus toute autre norme de performance.
Le Bien Vivre contre la crise mondiale.
Dans cette crise mondiale, tous les problèmes ont la même base structurelle et pourraient être réglés par les mêmes changements structurels. La solution pour chacun c'est la solution pour tous. Tous les nouveaux modèles doivent partir de l'idée qu'il y a des limites réels à la capacité de la Terre à nous supporter. Et c'est dans ces limites que les sociétés doivent élaborer les nouvelles normes d'une économie d'autosuffisance universelle et une conception du Bien Vivre qui ne dépend pas de l'usage excessif des ressources de la planète.
L'élaboration d'une vision du Bien Vivre pour contrecarrer la crise mondiale dans cette ère de chaos climatique et de ressources décroissantes de notre planète finie implique l'arrêt du consumérisme, du gaspillage et du luxe, pour ne consommer que le nécessaire, et pour atteindre une « baisse de régime » des niveaux de production, de consommation et d'un usage de l'énergie selon les capacités environnementales de la Terre.
Cela signifie également l'arrêt du gaspillage d'énergie, c'est à dire le retrait effectif de tous les systèmes énergétiques basés sur le charbon, et le refus des soit disants systèmes d'énergie « alternatives » mis en place pour prolonger la croissance du système industriel. Cela englobe l'énergie nucléaire, le charbon dit « propre », les biocarburants à échelle industrielle, et la combustion de matériaux douteux et autre déchets municipaux, entre autres.
Autre action d'égale importance serait le développement des habitudes de conservation et de rendements d'énergie, c'est à dire la modération des besoins énergétiques, la baisse de la consommation personnelle dans les pays où elle a été excessive, et la réorientation des règles de l'activité économique – le commerce, l'investissement, les normes. Il est également important de modifier toutes les activités de base de la société qui se rapportent à ces normes (le transport, la manufacture, l'agriculture, l'énergie, les projets de construction, etc.). Notre dépendance actuelle de la production axée sur l'export, le nombre impressionnant des transports de longue distance, l'usage croissant des ressources et des marchés mondiaux ne peuvent être maintenus durablement sur une planète finie.
Une production locale pour une consommation locale.
Afin de nous adapter à la réalité de l'ère post-carbone, nous allons devoir satisfaire nos besoins fondamentaux comme l'alimentation, le logement, la production d'énergie, avec des systèmes et des ressources locaux. Cela se traduit par l'encouragement de l'auto-suffisance économique au niveau régional, la localisation économique et la souveraineté communautaire, la production locale pour la consommation locale, les industries locales utilisant la main d'oeuvre et les matériaux locaux.
C'est ainsi que Bien Vivre signifie d'abord la réorganisation des environnements urbains et ruraux, la restitution des biens communs régionaux et nationaux, et la rapide transition vers les énergies renouvelables à petite échelle qui doivent être orientées vers un usage local et appartenir aux communautés locales, sans affecter l'équilibre naturel, en utilisant le l'énergie éolienne, solaire, l'énergie de l'eau et des vagues à petite échelle, ainsi que les biocarburants locaux.
Bien Vivre signifie également la promotion d'une reconstruction structurée des zones rurales et la revitalisation des communautés par une réforme agraire, l'éducation et la mise en place de micro agriculture écologique, basée sur les pratiques culturelle et locale, la richesse de nos communautés étant les terres fertiles, un sol et un air propres. Toutes ces approches sont une préparation à l'inévitable désindustrialisation de l'agriculture suite au déclin des énergies bon marché.
En plus Bien Vivre signifie également réaffecter les milliards de millions destinés à la guerre afin de soigner la Terre de ses blessures environnementales.
Moins voudra dire plus.
Notre idée du Bien Vivre met en valeur l'harmonie entre les hommes et avec la nature, et fait de la préservation du « capital nature » une priorité absolue. Il est reconnu que la protection et la préservation de l'équilibre dans la nature, avec tous les êtres vivants est une urgence et requiert notre intervention, et que la nature doit survivre sur cette Terre dans les meilleurs conditions possibles.
Bien Vivre implique aussi de débrancher la télévision et Internet pour se connecter à la communauté. Cela voudra dire que chacun aura quatre heures de plus par jour à passer avec sa famille, ses amis et dans la communauté, il s'agit des quatre heures par jour passées en moyenne devant la télévision surchargée d'images concernant toutes ces choses qu'on veut nous faire acheter. Passer du temps à des activités au sein d'une communauté fraternelle renforce cette dernière et en fait la source d'un réel soutient social et logistique, une source de plus de sécurité et de bonheur.
Pour les sociétés qui ont adopté ces images de « bonne vie » véhiculée par les médias, cette « bonne vie » est basée sur l'hyper consommation des biens et des marchandises, alors que les nouveaux styles de vie pour une moindre consommation des ressources, en accumulant moins, et en vivant selon un modèle de vie plus modeste, sont tous des arguments pour un plus grand épanouissement personnel.
Conduire moins et marcher plus est bon pour l'environnement, pour la planète et pour notre santé. Acheter moins c'est moins de pollution, moins de déchets, et moins de temps à travailler pour consommer. Moins de stress, plus de temps pour la famille, les amis, la nature, la créativité, les loisirs que les gens avaient oubliés de nos jours.
Dans les sociétés basées sur la sur-consommation, moins voudra vraiment dire plus. Le respect des règles du Bien Vivre apporte la suffisance en matière d'alimentation, d'habitation, d'habillement, de santé, l'engagement au sein de la communauté, la sécurité de la famille, et des vies qui ont un sens. Sans oublier l'accès à un monde naturel épanoui.
Nous faisons partie de la nature.
Dans ce contexte, Bien Vivre veut dire être dans une société souveraine en harmonie avec la nature, où nous pouvons travailler ensemble pour nos familles et pour la société, en partageant, en chantant, en dansant, et en produisant pour la communauté. Cela implique une vie modeste qui réduit nos habitudes de consommation tout en maintenant une production équilibrée.
Au lieu d'épuiser la Terre, et par là même la nature puis se retrouver dans 30 ou 50 ans devant la fin du gaz, du pétrole, du fer, de l'étain, du lithium et de toutes les autres ressources naturelles non renouvelables exigées par le mieux vivre, le concept du Bien Vivre garanti quant à lui la vie pour nos enfants, pour leurs propres enfants, et pour tous ceux qui viendront après eux, il sauvera la planète par l'utilisation de nos pierres, notre quinoa, nos pommes de terre, notre manioc, nos haricots, nos fèves et notre maïs, notre acajou, notre coco et notre coca.
Pendant le processus de mise en place du Bien Vivre, notre richesse économique et spirituelle est étroitement liée au respect de la Terre, et à l'usage respectueux de ce qu'elle nous donne. L'unique alternative pour le monde en ce temps de crise, la seule solution pour la crise écologique, c'est que l'homme admette que nous faisons partie de la Nature, et qu'il nous faut désormais restaurer cette complémentarité, cette relation de respect mutuel et d'harmonie avec elle.
Faire renaître l'énergie de la communauté par la créativité et l'action collective
Pour cette expérience nouvelle face à une crise mondiale, pour que cette nouvelle expérience du Bien Vivre soit une réussite, il va être nécessaire d'encourager les actions locales et internationales. Nous devrons suivre l'exemple de millions de personnes sur cette Terre qui n'attendent pas la légitimation de la crise mondiale, nous devrons suivre l'exemple des innombrables personnes et communautés à travers la planète qui, avec plein de créativité, d'enthousiasme, et de solidarité, sont déjà en train de tester activement toutes sortes de pratiques alternatives locales, sur le plan communale et régional, des des environnements ruraux ou urbains.
Avec l'aide de ces initiatives au sein de nos communautés, et avec l'aide des gouvernements qui soutiennent le principe du Bien Vivre, avec une large association des forces et mouvements sociaux, nous devons réveiller l'énergie de la communauté, faire renaître l'énergie dans nos communautés, qui constitue notre principale force pour transformer la société et construire notre vision du Bien Vivre. Nous devons suivre l'exemple de ces gens et de ces communautés en entreprenant la construction de nos propres communautés et de nos pays par NOUS-MEME, avec nos propres mains, nos propres coeurs, et nos propres têtes, en commençant par la construction d'une existence du Bien Vivre dans les limites de la nature. Nous ne pouvons dépendre uniquement des gouvernements et des organismes internationaux pour résoudre nos problèmes.
Baisse de régime.
Par nos propres initiatives au sein des communautés, et avec l'aide de nos gouvernements, retournons vers le mode de vie harmonieux de nos ancêtres, et renforçons notre propre mode de vie, l'identité et la spiritualité dans nos communautés. Commençons à organiser notre vie productive commune à la campagne et dans notre entourage, faisant en sorte de l'éducation fonctionne ainsi que la communication et la santé, construisons nos écoles et nos routes, faisons disparaître les questions de terre et de territoire, d'eau, de forêts, etc.
Construisons une vision du Bien Vivre et la souveraineté de nos communauté dans un équilibre entre l'homme et la nature, et nous pouvons recréer nos liens, dans le respect du droit de chacun à être consulté lorsqu'il s'agit de l'élaboration de nos propres décisions, du choix des autorités, avec pour base notre connaissance de nous-mêmes, et notre conscience de la responsabilité qui en découle.
Pour commencer à appliquer cette baisse de régime, nous pouvons réduire nos besoins en énergie: en conduisant moins, en prenant moins l'avion, en éteignant les lumières, en achetant des produits alimentaires de saison (les produits alimentaires on besoin d'énergie pour pousser, être emballés, stockés et ensuite transportés), en enfilant un pull au lieu de mettre en route le chauffage, en utilisant un fil à linge plutôt que le sèche-linge, en partant en vacances plus près de chez soi, en achetant des produits d'occasion ou en les empruntant avant d'en acheter des neufs, en recyclant.
Nous pouvons également développer une culture zéro déchets à la maison, au travail, à l'église, dans toute la communauté. Cela implique la mise en place de nouvelles habitudes, comme utiliser les deux côtés du papier, de transporter en permanence sa propre tasse et sacs de courses, faire du compost avec les restes alimentaires, éviter l'eau en bouteille, et autres produits sur-emballés, réparer, repriser plutôt que de remplacer.
Notre santé, l'éducation et la communication.
Par nos propres initiatives au sein des communautés, et avec l'aide de nos gouvernements qui soutiennent la vision du Bien Vivre, commençons à diriger notre propre système de santé en nous inspirant de ce qui nous a toujours gardé en bonne santé, où la santé de la communauté est aussi importante de celle de nos corps, et où la nourriture abondante et sans produits chimiques est notre seul médicament. Face au développement des produits de plus en plus manipulés, remettons sur pieds une production alimentaire locale. Prévenons les maladies au lieu de chercher des médicaments pour les soigner, et servons-nous de notre propre médecine naturelle qui ne soigne pas une maladie pour en causer une autre.
Mettons en place notre système éducatif, ou plutôt notre système communicatif, en enseignant nos enfants de la manière que nous leur avons toujours enseigné par les pratiques et les responsabilités, c'est à dire par l'apprentissage communautaire à travers lequel nous créons l'énergie communautaire et nous apprenons que nous ne pouvons pas vivre en dehors de la communauté. Plutôt que l'éducation, rétablissons la communication, renforçons la véritable communication entre père et fils, entre élèves et enseignants.
Protégeons nos propres semences.
Protégeons les femmes, les défenderesses traditionnelles des semences et de la sécurité alimentaire, garantes de la diversité naturelle et de la nourriture locale de qualité, dont la vie tourne autour de la fertilité, des enfants, de la campagne, des semences, de l'eau, des arbres, et des autres ressources, les femmes dont les pratiques agricoles au sein de nos communautés font partie de la vie communautaire en harmonie avec la nature.
On ne résout pas le problème de la faim dans le monde avec des semences Teminator issues de l'industrie agricole, mais en retrouvant et en protégeant nos riches semences anciennes, en les stockant et en luttant contre leur usurpation par des multinationales qui se protègent en imposant la propriété intellectuelle, les brevets et l'usage des semences transgéniques arguant une soit disant plus forte productivité.
Protégeons la vie des communautés indigènes, qui favorise le cycle des semences nous libérant ainsi du besoin de les importer. Allons vers une production à petite échelle, qui va protéger les ressources naturelles pour les générations présentes et futures, et nous donner à nous tous des une nourriture saine et variée.
Construisons une vision du Bien Vivre, en reprenant nos propres technologies, plus adaptées, qui ne coutent pas chère et qui peuvent être dirigées par la communauté, dirigeant et contrôlant, se servant de nos propre fonds de nos économies et nos coopératives. Nous pouvons nous auto-entrainer, et s'améliorer en rassemblant les chercheurs et les professionnels qui ont un regard de sympathie, de soutient et de respect sur le processus de réorganisation des communautés et des peuples.
Pour renforcer le processus
Bien Vivre c'est redonner la fertilité à la planète, qui se trouve aujourd'hui dans les mains de multinationales stériles, veiller au reboisement du monde, vivre une vie modeste près de la terre dans des communautés ou des petites fermes familiales, celles qui ont su préserver les arbres et la diversité harmonieuse des espèces, qui ont plus d'eau à leur disposition et qui survivent mieux.
En réveillant des valeurs éthiques et morales de nos peuples et de nos cultures, nous pouvons faire de ce nouveau millénaire un millénaire de vie et non de guerre, un millénaire pour Bien Vivre, pour l'équilibre et la complémentarité. Ensemble nous pouvons construire une culture de patience, une culture de dialogue et surtout une Culture de la Vie, un style de vie qui ne repose pas sur une consommation excessive et sur une énergie non renouvelable émettrice de gaz à effets de serre, mais sur une relation harmonieuse entre l'homme et la nature.
Afin de renforcer le processus qui nous mènera vers le Bien Vivre, nous encourageons une discussion et un débat sur tous les aspects de cette proposition, pour atteindre une approche commune qui mène au changement fondamental dans le fonctionnement des sociétés, dans nos modes de vie, en tant que communautés, que familles, qu'individus.
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